Rue Porte de la Monnaie

Ca y est… non pas la rive droite, pas encore, Excel n’est pas d’humeur. Par contre une rue connue, oui. Hasard du tirage au sort, c’est vers la rue Porte de la Monnaie que nous nous dirigeons en ce soir de juillet, faisant fi de l’orage qui menace.

Une rue qui, nous pouvons le dire sans même le vérifier, figure dans tous les guides de Bordeaux. La rue Porte de la Monnaie c’est en effet l’empire de Jean-Pierre Xiradakis. Pour nos lecteurs non-Bordelais « Xira », comme on le surnomme, est un croisement entre Maïté et Jean-Luc Petitrenaud. Parti de rien, le chef a installé sa gouaille et son premier restaurant en 1968 dans ce quartier à l’époque désœuvré, voire franchement cradingue… Avec le succès ce sont maintenant 6 adresses estampillées « Xira » qui ponctuent cette petite rue et offrent plusieurs menus à tous les prix, une épicerie, des chambres d’hôtes… La plus ancienne reste la plus connue et la plus chic : La Tupina, une table qui a accueilli trois Présidents de la République et qui fut citée parmi les meilleurs restaurants du monde par le Herald Tribune et le Times.

Xira, c’est donc une success story à l’américaine, version lamproie à la bordelaise. On aime ou on n’aime pas (d’aucuns l’accusent de « phagocytage » et de pratiquer des prix bien trop élevés), mais peu de monde est indifférent.

La maison mère de la rue gourmande

La maison mère de la rue gourmande

L’équipe de Bordeaux 2066 a d’ailleurs cherché à interviewer Xira, mais malheureusement il était déjà parti en vacances… pas de chance. Un des serveurs prend quand même le temps de nous livrer quelques anecdotes : on retiendra notamment que de nos Présidents ce fut un certain Nicolas S. qui eut le moins bon coup de fourchette… la faute paraît-il à une conquête amoureuse italienne qui avait décidé de le mettre au régime.

Pas de chance Jean-Pierre n'était ni là ni en face

Pas de chance Jean-Pierre n’était ni là ni en face

Jean-Pierre Xiradakis n’habite pas la rue, mais il contribue néanmoins grandement à son animation : outre les taxis qui déversent la clientèle la plus fortunée directement sur sa terrasse, notre homme fort du pâté de tête et du pâté de maisons fait venir régulièrement des bandas, organise des dégustations de produits locaux, ou encore le seul et l’unique « tue cochon » urbain de toute la France.

L’occasion selon P., une habitante de la rue, de « côtoyer la crème du cours de l’Intendance qui vient s’encanailler à St Michel, le regard haut et un ballon de rouge à la main ».   La rue Porte de la Monnaie, enclave à fric en plein quartier encore populaire, est un peu un OVNI sociologique.

Le menu "ouvrier"

Le menu « ouvrier »

On est ici dans le Bordeaux de carte postale, propret et aux belles façades blondes, alors que les rues adjacentes bourgeonnent encore souvent d’immeubles noircis et parfois plus ou moins abandonnés.

Effet Xira surement, mais effet Tourny également. La rue a été élargie en 1752 par l’intendant, qui voulait aérer ce quartier besogneux et tortueux, pour lui « offrir » un meilleur accès au port. Comme pour la différencier des autres et signaler son importance, une porte (la Porte de la Monnaie pour ceux qui ne suivraient pas) fait la transition vers le quai.

Outre les touristes et les fins gourmets, circulent également dans la rue les fêtards de retour des boîtes de nuit du Quai de Paludate, qui offrent à l’aube aux habitants du secteur « drames amoureux et free fight sur fond de vomi », comme le dit joliment P.

En remerciement de ce précieux témoignage, et comme on sait que les lecteurs de Bordeaux 2066 sont féconds, nous vous invitons à découvrir l’univers de Lapinovitch, création originale de P. et donc de la rue Porte de la Monnaie.

C’est autour d’une bière au Bar-Cave de la Monnaie (3,30€ le demi, comme quoi on peut y manger pour pas cher, mais pour boire ça n’est pas tout à fait ça) que nous terminons notre visite.

La lecture de notre bible historique nous apprend que la rue fut il y a quelques siècles libertine, accueillant les filles de joie sous l’occupation anglaise. Plus grand-chose une fois la perfide albion boutée hors de Gascogne, jusqu’à ce que notre cher intendant Tourny vienne mettre son grain de sel, puis que Xira vienne mettre son grain de poivre, et fassent de cette belle rue ce qu’elle est aujourd’hui.

Luxure, gourmandise, peut-être un chouïa d’orgueil… c’est tout cela la grande rue de la Monnoye.