Rue Hériard Dubreuil

Frustré de nous avoir fait boire du café au Cours des Aubiers , Excel est bien décidé à se rattraper et nous envoie, pour cette douzième visite, vers une grande famille de propriétaires et négociants de Cognac et autres boissons alcoolisées : la rue Hériard Dubreuil.

La famille Hériard Dubreuil se cache donc derrière des boissons aussi connues et appréciées que le Cognac Rémy Martin, le Cointreau ou même le Passoa de notre adolescence. L’empire est toujours dans la famille, et toujours aussi puissant puisque Dominique Hériard Dubreuil est même considérée comme l’une des femmes les plus puissantes du monde, comme nous l’indique le magazine « Rayon Boissons ».
Trève d’alcoolémie, revenons en à notre rue.  Nous ne sommes pas si loin des Aubiers, mais le décor est tout autre. Ici ce sont les quartiers chics, entre la rue Turenne et la rue de la Croix Blanche, proche des grands établissements scolaires privés de Bordeaux.

Tout roule rue Hériard Dubreuil

Tout roule rue Hériard Dubreuil

Pour tout vous dire elle est calme cette rue, très calme même. On oscille ici entre belles maisons rénovées, ravalées et pimpantes et demeures un peu plus à l’abandon. Mme E. (instant culture littéraire : elle porte le nom d’un célèbre écrivain bordelais, et non ça n’est pas Emontaigne ou Emauriac) explique peut-être cela par les changements que connait le quartier. Beaucoup de personnes installées ici il y a quelques décennies sont parties vers l’au-delà, laissant parfois les maisons à l’abandon, le temps que le droit des successions fasse son œuvre. La géographie immobilière de la ville étant fluctuante, le quartier attire maintenant de plus en plus de jeunes … enfin bon Mme E. nous rassure : « C’est calme ici, après 21h, il n’y a plus personne dehors ».

Tellement calme d’ailleurs que Mme E. habite dans un ancien bar mais « fermé depuis longtemps car moi je suis là depuis plus de 30 ans ! ». Eh oui, c’est que Mme E. a beau pétiller de mille feux, elle a 80 ans passés ! Dont 60 passés dans notre ville, ce qui n’était pas gagné à l’avance. Mme E. a en effet connu une jeunesse parisienne, durant laquelle elle venait en train à Bordeaux pour attraper un bus vers les Landes, son fief familial. Elle s’était alors jurée de ne jamais vivre dans cette ville si triste et si grise. 60 ans et quelques rénovations plus tard, Mme E. s’est rangée avec sagesse à l’opinion majoritaire : « Qu’est-ce que c’est devenu beau ! »

Chez Madame E.

Les regrettées bières et limonades de la rue Hériard Dubreuil.

Notre exploration de la rue nous donne l’occasion de croiser deux ou trois autres passants, en cette heure de débauche (au sens « Sud Ouest » du terme bien entendu, le sens générique étant peu adapté au quartier). Rien de bien notable hormis quelques notables : tout le monde confirme la tranquillité de la rue et du quartier. Le problème principal semble être la difficulté de stationner.

Le bout de la rue nous réserve lui quelques « surprises ». Débouchant sur une place, ou plutôt sur le croisement de plusieurs rues au milieu duquel on a planté deux cabines téléphoniques, la rue accueille à cet endroit quelques commerces. Une boulangerie d’abord, mais mauvaise pioche, nos maitres du fournil sont des itinérants de la baguette. Installés depuis peu, ils ont roulé leur miche un peu partout en France et n’ont pas grand chose à nous dire sur notre rue … et le quartier ? « Un peu rupin »

A côté de nos boulangers, un cabinet spécialisé dans l’aide contre la dysgraphie. La dysgraphie c’est quoi ? C’est le fait d’écrire un peu comme un médecin qui rédige sa 32ème ordonnance de la journée…  OU A LAURE COMME QUELQU’UN QUI OREE ABUSER DES BOISSONS DES AIRYAR DUBREUIL. 

DiSgraPhIE

DiSgraPhIE

Et enfin sur notre petite place, notons quand même la présence d’un puits ! Enfin un puits du XXIème siècle : sorte de mélange entre l’horodateur et la borne de chargement d’une voiture électrique. Ca perd quand même de sa puissance onirique : fini les pièces au fond du puits, le caillou qui tombe jusqu’au plouf fatal…

Le puits du XXIème siècle, un peu triste quand même...

Le puits du XXIème siècle, un peu triste quand même…

Pour se consoler de ce puits sans fond car sans trou, nous partons à la recherche d’une mousse. Nos boulangers nous suggèrent d’aller chez Karim, qui tient le bar « L’Acropole » rue Ernest Renan, à deux pas de la rue Hériard Dubreuil. (NB : Pourquoi « Acropole » ? Parce que Ernest Renan est un historien qui s’est intéressé à la Grèce, té !)

Bonne pioche ! Karim, sympathique quadragénaire aux cheveux poivre et sel, tient un bar-resto tout simple mais chaleureux. Mais surtout, il est un interlocuteur parfait pour les explorateurs de rues que nous sommes. Natif de Quinsac, Karim est un enfant du Clairet, devenu Bordelais, et pas qu’à moitié. « On l’aime notre ville quand même. Dès que je pars plus d’une semaine, ça me manque ces belles pierres ». Rue du Muguet, rue de la Fusterie, rue Renière… Karim affectionne tout particulièrement les ruelles tortueuses du Bordeaux médiéval, où il a habité quelques années, et où il aime revenir se perdre de temps en temps. Et son quartier  actuel ? « Pas si rupin, on a de tout par ici ! Quand je me suis installé dans les années 90 ça ne me parlait pas plus que ça, mais maintenant j’y suis très bien. » En plus son établissement donne sur la rue Rosa Bonheur, dont il adore le nom, et visiblement il n’est pas le seul puisque la plaque de la rue « a été piquée 50 fois déjà ».

On vous présente Karim, de dos. Le mieux pour voir son visage c'est encore de lui rendre visite !

On vous présente Karim, de dos. Le mieux pour voir son visage c’est encore de lui rendre visite !

Quand on reviendra, Karim nous présentera son plus fidèle client : un papi de 97 ans, en forme olympique, qui est un véritable archiviste du quartier à lui tout seul.

Alors santé à lui, comme aux Hériard Dubreuil, aux dysgraphiques et à vous tous !

Fin de la rue, nous Athénions l'acropole

Fin de la rue, nous Athénions l’acropole