Il ne croyait pas si bien dire, ce fan Facebook… Au moment où il « lâchait son com », comme on dit sur les Skyblog, Vinjo et Pim étaient en plein concours de lâcheté pour savoir qui allait rédiger l’article sur la rue des Deux Ormeaux : « Tu le fais ce soir ? – Ah non ce soir heu… je dois sortir ma poubelle, donc c’est mort tu vois ! Heu vendredi dans 15 jours ptet ! »
Bref, pendant le mois qui vient de s’écouler, les membres de Bordeaux 2066 quand ils se disaient qu’ils devaient rédiger ce p***** d’article sur cette p***** de rue ressemblaient à peu près à ça :
Et puis finalement, il a bien fallu se sortir les doigts (Dieu sait d’où car il est omniscient) pour vous parler dans la douleur, mesdames, messieurs, de la rue des Deux Ormeaux.
Cette rue, lorsque nous l’avons abordée à vélo, elle nous a assez rapidement évoqué le concept de « ville chiante » chère à nos amis de Deux Degrés. Une ville où il ne se passe rien, ni en positif ni en négatif, et qui finalement serait recherchée pour ça. Se complaire dans la platitude, s’emmerder doucement mais surement, pourquoi pas après tout ! A Bordeaux il est d’usage de claironner que la Belle Endormie s’est réveillée. Mais finalement le sommeil c’est sacré non ? La Belle ne peut pas aller de Fête du Vin en Fête du Fleuve en passant par un Marathon sous peine d’avoir les yeux qui piquent et mauvaise haleine, aussi doit-elle parfois se rendormir.
Et pour un sommeil bien réparateur et bien profond, quoi de mieux qu’un quartier à la fois excentré et bourgeois ?
Plantons le décor. La rue des Deux Ormeaux est un petit passage reliant la rue de Caudéran (qui permet aux Caudéranais d’accèder à Bordeaux Centre) au Cours Marc Nouaux (qui permet aux Caudéranais de rentrer chez eux). Son entrée est surveillée par le très select groupe scolaire Sainte-Clotilde / Assomption, fournisseur officiel de minettes à sacs Longchamp depuis 1860.
Sur les trottoirs on y trouve une biodiversité assez fascinante : de la Mini Cooper au Porsche Q7, ce sont de nombreuses espèces qui parviennent à se développer rue des Deux Ormeaux.
Sur le trottoir, on y trouve également Jacqueline et sa valise, qui reviennent de l’aéroport. Jacqueline vit dans une des maisons signées de l’architecte Tusseau qui ornent la rue. Ces élégantes demeures du début du 20ème siècle sont de style néo-18ème, et elles en imposent pas mal à vrai dire. Mais sans vouloir faire injure aux habitants de ce trottoir ci, c’est tout de même la baraque du voisin d’en face qui nous le plus impressionné, avec ses murs en moellons et son bow-window à l’anglaise. Il faut dire que c’est un grand nom qui en est l’auteur : Cyprien Alfred-Duprat, fils de Bertrand Alfred-Duprat, architecte également.
Les Alfred-Duprat, outre un nom rigolo, ont à leur actif un certain nombre de réalisations. Côté père, on trouve notamment un certain nombre de demeures le long du Parc Bordelais, rue du Bocage, y compris celle où il vivait lui-même (on n’est jamais mieux servi que par soi-même, en l’occurrence surtout quand on est architecte pour se faire une maison).
Côté fils, on trouve notamment l’Hôtel Schwabe le long du Parc Bordelais, la maison cantonale de la Bastide, et donc une maison rue des Deux Ormeaux. Mais ce qui nous plait surtout chez Cyprien Alfred-Duprat, c’est son livre « Bordeaux un jour ! », écrit en 1929, dans lequel il rivalise d’idées loufoques sur le devenir de notre ville : un toit-terrasse pour les Grands Hommes, une rampe d’accès automobile pour le haut du Grand Théâtre, une tour de 40 étages sur les quais… Que du très moderne pour l’époque, et surtout de l’anti ville chiante par excellence !
Car en attendant nous sommes toujours rue des Deux Ormeaux, et une fois qu’on a admiré les quelques maisons d’architecte il faut bien reconnaître que les explorateurs urbains que nous sommes se trouvent un peu démunis.
Le bar le plus proche se trouve Barrière Saint-Médard, et c’est le Rick Angel. Voilà qui promet de relever le niveau de cette tiède visite, se dit-on alors en googlisant cet étrange nom, qui s’avère être le pseudonyme d’un ancien conseiller de l’UMP devenu acteur porno.
Si nous en savons un peu plus sur Rick Angel (pas trop non plus hein), nous n’en saurons en revanche pas plus sur le Rick Angel de la Barrière Saint-Médard, fermé pour travaux. C’est donc un peu plus loin, au bar « Le bocage » que nous contemplons le flot de voitures qui rentrent à Caudéran le long du SM évoqué lors de notre précédente visite.
La rue des Deux Ormeaux… la rue Bel-Orme juste en face. Mais pourquoi cette obsession pour les ulmacées dans le quartier ? Visiblement, avant le milieu du 19ème siècle, ormes et ormeaux ornaient le parc de la maison Harmensen, « établissement de plaisir » du nom d’une famille de notables hambourgeois. Attention, pas le même plaisir que Rick Angel, plutôt du plaisir en tout bien tout honneur consistant à s’en mettre plein la panse et à danser entre gens bien nés.
Depuis, la maison Harmensen est devenue un couvent puis une résidence, les deux ormeaux ont été a priori coupés, et le plaisir n’est plus évoqué que brutalement par l’allusion à Rick Angel. La Belle Endormie s’est réveillée, mais rue des Deux Ormeaux, on a repris quelques somnifères.