On a tous nos petites contradictions. Bordeaux 2066, par exemple, est volontiers écolo et aime se promener à pieds ou à vélo dans notre ville. Oui vraiment, quelle bonne idée d’avoir réduit la place de la bagnole : on respire mieux, c’est plus calme, les façades noircissent moins vite et c’est moins dangereux pour les mamies et les gamins.
Mais il nous arrive aussi parfois, par flemme ou par commodité, de prendre la voiture. Et là, quand il faut attendre cinq ou six feux verts pour passer la Barrière de Pessac, ou qu’il faut demi-heure pour franchir la Garonne, on se prend soudainement à rêver de gigantesques autoroutes en plein centre ville sur lesquelles on pourrait laisser libre cours à nos plus bas instincts de gros beaufs d’automobilistes forcenés.
Pour qui raisonne de la sorte, le Cours du Maréchal Juin est un vrai bol d’asphalte pur parmi nos étroites rues pavées : un cours de 2 x 3 voies en lisière de centre ville, c’est aussi presque un cours d’histoire en soi tant la chose n’est plus au goût de l’époque. En effet, notre rue du jour borde le quartier Mériadeck, sur lequel on vous invite à relire notre promenade Terrasse du Front du Médoc et à consulter cet excellent site dont l’auteur nous a accompagné pour notre visite. Mais pour résumer, Mériadeck c’est de l’urbanisme sur dalle, autour de laquelle il s’agissait de concevoir quasiment une rocade urbaine : rue Georges Bonnac au Nord, et Cours du Maréchal Juin au Sud : à fond à fond à fond.
Et ça peut servir de rouler à fond à fond à fond, surtout quand on a un beau camion rouge et des vies à sauver. Si les pompiers étaient installés en plein Saint-Pierre médiéval ça ne serait pas bien pratique, mais là ça tombe bien : la Caserne Ornano et son énorme barre de 128 logements de fonction se trouvent Cours du Maréchal Juin. Le bâtiment tel qu’on peut l’apprécier (ou le détester) actuellement date de 1966, et semble un chouïa vétuste. Notons aussi que dès 1894, et sur le même emplacement, existait une caserne en pierre, bien plus modeste.
Au fait, pourquoi « Caserne Ornano » alors que la rue du même nom ne commence que bien plus loin ? Tout simplement parce que le Cours du Maréchal Juin est en fait un morceau rebaptisé de la rue Ornano, comme en témoignent encore les panneaux de rue. Entre maréchaux on se comprend, et puis les exploits d’Alphonse Juin lors de la Seconde Guerre Mondiale valaient bien ça.
En continuant sur le même trottoir en direction des boulevards, on retrouve un paysage bordelais plus classique, composé de petits immeubles en pierre. Ici le bâti a résisté à la fièvre bâtisseuse des années Chaban, si l’on excepte l’immeuble de la DIRECCTE, qui a poussé par ici à une époque où l’UNESCO ne devait même pas savoir que Bordeaux existait.
De l’autre côté de notre 2 x 3 voies, cette fois pas de doutes : c’est bel et bien Mériadeck et son urbanisme controversé qui s’offrent à nous. Le long du Cours du Maréchal Juin, on retrouve un petit concentré de ce qui constitue ce quartier : de l’hôtellerie (présence importante du Groupe Accor, dans des immeubles des années 1980/1990), de l’administration avec des services de la CUB et du Conseil Général, un immeuble de logements, des escaliers pour mener en haut de la dalle, et enfin deux équipements incontournables pour l’agglomération : la Bibliothèque Municipale, et la Patinoire.
Lors de notre promenade il est déjà un peu tard, et ces deux équipements sont déjà fermés. Du coup nous ne vous mentionnerons que rapidement la présence du grand bâtiment en verre de la bibliothèque, qui date de 1989, et qui abrite plus d’un million de documents dans 27 000 m2, dont quelques manuscrits particulièrement précieux pouvant remonter jusqu’au 8ème siècle. Le mieux est encore d’aller y flâner vous-même, ou bien à défaut de lire son histoire complète ici.
En ce qui concerne la Patinoire, on a décidé de faire un peu plus de zèle et de s’aventurer en terrain glissant dans la mesure où la période de rédaction de l’article coïncidait avec un match des Boxers de Bordeaux. Non non mesdames, il ne s’agit pas d’une compétition de caleçons mais bien de l’équipe locale de hockey sur glace qui caracole en tête de la 1ère Division, laquelle n’est pas la meilleure division : c’est assez subtil comme sport finalement.
Ce dimanche, après un derby victorieux face à Anglet, ils affrontaient les Corsaires de Dunkerque devant 2500 spectateurs. Etant totalement ignare dans cette discipline, Bordeaux 2066 s’abstiendra de tout commentaire sportif mais retiendra une bonne branlée infligée aux Flamands, avec 6-1 en score final (et 5-1 à la fin du premier tiers-temps, autant dire que les deux autres tiers-temps étaient un cran en-dessous).
Les Boxers de Bordeaux, on connaissait tout juste leur existence avant de les voir jouer, mais franchement on reviendra. Pourquoi ? Voilà notre top 5 des raisons de venir les encourager à Mériadeck, même quand on s’en tamponne la crosse du hockey :
1°) Le chauvinisme. On est leaders, et ça c’est pas dans tous les sports hein.
2°) La mélomanie. Grâce à la banda des supporters « L’esprit Boxers », vous pourrez réviser vos classiques, de la Pitxuri jusqu’à Santiano. L’ambiance est brulante, n’en déplaise aux voisins de la caserne.
3°) L’amour. C’est un sport très câlin. Les joueurs n’hésitent pas à se serrer dans les bras, parfois avec tellement de conviction que l’arbitre croit qu’ils sont en train de se mettre des mandales alors que pas du tout voyons.
4°) Le spectacle. On ne s’ennuie pas, ou peu. En plus on peut s’installer plus ou moins où on veut, assis ou debout.
5°) Argument masculin : la population féminine. La patinoire est remplie de beautés froides.
Après toutes ces émotions, comment conclure notre visite automnale Cours du Maréchal Juin ? Pour qui n’est pas végétarien, retraverser les six voies de l’artère est une option satisfaisante : le Vach’et Nous, installé ici depuis 11 ans, est un véritable temple de la barbaque. Tendrons, rognons, carré d’agneau, boudin et tricandilles vous attendent dans cette petite adresse chaleureuse où Frantz et son équipe nous accueillent avec le sourire.
Installés en terrasse, nous contemplons une dernière fois notre cours. L’heure avance, le trafic se calme et donne l’occasion aux automobilistes d’appuyer sur le champignon. Il est temps d’y aller, on affone notre bière en écoutant les sirènes des camions d’Ornano : à fond, à fond, à fond.
Nota Bene : contrairement à ce que peut laisser croire la façon dont c’est rédigé, le Dunkerquois Clément Thomas est sorti sur civière suite à une blessure aux adducteurs. Aucune violence n’a été exercée pour les besoins de l’article.