Rue Charles Péguy

Et voilà ça recommence, Excel toujours aussi blagueur essaye de jouer avec nos nerfs. Point de rue Sainte Catherine, de cours Victor Hugo ou de quai des Chartrons à l’horizon. Ni même de nouveau quartier, et encore moins, oh non, de franchissement de la Garonne. Non, le logiciel nous envoie rue Charles Péguy, courte ruelle du quartier Nansouty, à deux pas de la rue Maxime Lalanne et du Pont de Caudérès qui sépare Bordeaux de Talence.

Mais si ce blog nous a appris une chose, c’est bien que la moindre rue, aussi banale soit-elle, peut cacher de beaux secrets, de belles histoires.

En ce début de soirée rue Charles Péguy, il n’y a à première vue rien à signaler. La rue semble d’ailleurs être plutôt une impasse et elle se compose uniquement d’échoppes, hormis l’angle avec la rue Bertrand de Goth qui est un immeuble présumé des années 1970, et pour lequel un long brainstorming a dû être nécessaire pour le baptiser, puisqu’il se nomme « Charles Péguy ». Il faut dire qu’à l’époque, tous les immeubles ne s’appelaient pas encore « Jardins de truc » ou « Terrasses de machinchose ».

Nous ne vous retracerons pas ici la vie de Charles Péguy, ce n’est pas l’objet de ce blog et d’autres l’ont fait bien mieux que nous. Et puis surtout, surtout il y a mieux à raconter. Au dessus des échoppes un bâtiment s’impose : l’église Sainte Geneviève.

Sainte Geneviève dominant Peguy

Un grave problème déontologique se pose alors : comment accéder au saint des saints sans enfreindre notre règlement qui nous oblige à visiter une rue, et une seule, pour chaque billet. Heureusement, une intervention divine nous fait alors découvrir que si cette voie s’appelle rue et non impasse c’est parce que tout au bout, cachée derrière la végétation, une petite sente passe entre les maisons pour déboucher… sur l’arrière de l’église. Nous pouvons poursuivre l’exploration.

Les voies du seigneur sont impénétrables

Les voies du Seigneur sont impénétrables.

C’est par une porte dérobée de l’arrière de l’église que nous rentrons (l’entrée principale étant située rue Bertrand de Goth), et tombons nez à nez sur Jean-Claude, le diacre de la paroisse. Si le blog avait par le passé eu des relations contrariées avec les représentants du culte catholique, tout est maintenant oublié, grâce à l’accueil bienveillant de Jean-Claude. L’homme est un passionné, et prend de longues minutes pour nous expliquer différents détails architecturaux de l’édifice, nous montre différentes peintures, en explique les symboles… Pas besoin d’être une grenouille de bénitier pour apprécier cette visite improvisée.

Le site internet de la paroisse vous expliquera tout, mais nous pouvons résumer ainsi : bâtie en 1909 pour répondre à l’extension de la ville et du faubourg de Nansouty, l’église a connu de multiples transformations grâce à la générosité de ses paroissiens. D’abord chapelle, elle devint église, fut définitivement achevée en 1966, et fut embellie pour son centenaire d’une mosaïque sur sa façade extérieure. Une mosaïque … non ? Messie messie, car Sainte-Geneviève est aussi la seule église d’architecture byzantine de Bordeaux.

Jean-Claude aime son église, mais aussi son quartier, qu’il appelle le « village Nansouty » et où il réside depuis 1973. Originaire de Villandraut, en Sud Gironde, Jean-Claude retrouve ici, au cœur de la cinquième ville de France, une ambiance villageoise et une convivialité qu’il apprécie.

La fameuse mosaïque

La fameuse mosaïque

Bordeaux 2066 touché par la grâce

Bordeaux 2066 touché par la grâce

Jean-Claude

Jean-Claude, diacre à Sainte-Geneviève.

Boostés par l’énergie de Jean-Claude, nous repassons une dernière fois dans la rue. Un nouvel habitant en plein emménagement nous conseille de sonner chez son voisin d’en face… Toc toc, la porte s’ouvre et c’est Laurent, dont la famille habite ici depuis toujours, qui nous accueille. Certains pourraient trouver saugrenu de voir deux inconnus toquer à la porte un soir pour « parler de la rue ». Mais pas Laurent, qui « adore tchatcher » et d’ailleurs ne s’en prive pas, même si là il est en train de préparer le dîner. Comme Jean-Claude, il nous vante la tranquillité du quartier (en tant qu’insomniaque, Laurent en est d’ailleurs le vigile officieux), la solidarité de ses habitants… Il nous parle de l’église Sainte-Geneviève, pour laquelle tous les habitants du côté pair de la rue Charles Péguy ont cédé un bout de terrain afin de faciliter sa reconstruction après la guerre.

Eglise et jardins

Eglise et jardins

Il évoque la population du quartier qui change, lui qui est un des derniers… Le dîner va être trop cuit, mais on est invité à repasser quand on veut pour boire un verre et causer de la rue. Un beau témoignage, foisonnant, parfois trop à tel point qu’on ne sait qu’en retenir. A ses anecdotes locales il mêle de grandes tirades sur le sens de la vie et nous salue gaiement en nous disant : « On n’a qu’une vie les gars, n’oubliez pas et profitez-en ».

Laurent

Laurent

Une seule vie oui, mais encore 2058 rues à découvrir, et au moins autant d’histoires et d’anecdotes. C’est tout cela qu’on se dit en buvant un demi de San Miguel à 2,30€ Chez Luis, place Nansouty, au cœur du village sans prétention. Décidément, Nansouty, c’est Byzance !