Rue de Mulhouse

 

Comme vous le savez si vous nous suivez sur Facebook, nous partageons souvent les points de vue de nos amis de Deux Degrés : agence d’urbanisme décomplexée. Pour cette 56ème rue, c’est donc Mathieu de Deux Degrés qui prend la plume et nous donne sa vision de la rue de Mulhouse ! 

Que dire sur la rue de Mulhouse ? 150 mètre d’échoppes plus ou moins cossues et d’Audi garées au coeur des quartiers résidentiels chics de la barrière de Saint-Médard. Depuis les trottoirs, nous devinons les jardins derrière les grandes vérandas colorées. Rue de Mulhouse, les habitants sont paisiblement heureux. Nous les imaginons déambuler joyeusement dans les allées du Parc Bordelais le dimanche après-midi avec leurs enfants à la scolarité exemplaire. « Imaginer » car soyons honnêtes, il n’y a personne dans la rue à qui demander ce qu’il se passe vraiment par là. Alors que nous entamons notre deuxième aller-retour, un bruit léger nous interpelle. Que se passe t-il ? Un mouvement. Quelqu’un bouge. Un sénior sort doucement de sa maison. Nous nous approchons respectueusement de lui pour l’interroger sur le quotidien de la rue de Mulhouse. En vain, il refuse de nous répondre, probablement de peur de venir troubler la quiétude du lieu. Il partira silencieusement vers son break Dacia Lodgy.

Mini vs Twingo : le grand combat

Mini vs Twingo : le grand combat

Peu à peu, la rue s’anime.  Mais ici, les drames du quotidien, que ce soit la pauvre jeune femme qui a perdu son beagle ou ce jeune homme préoccupé par le rangement de ses clubs de golf, ne parviennent pas à troubler le calme de la rue. Même l’agitation liée à la proximité de la belle-famille de Julien Courbet  ne semble pas pouvoir perturber la tranquillité résidentielle par ce bel après-midi d’automne.

Faute de bars à proximité, nous poursuivons vers la pâtisserie du coin pour la traditionnelle bière. La caissière, une habitante de Saint-Michel, nous confie qu’ici, c’est calme. Très calme. Peu de problèmes à l’horizon hormis quelques personnes âgées malpolies.

Consciencieux et l’esprit en alerte grâce à notre précieux breuvage, nous retournons direction rue de Mulhouse. Nous espérons bien y trouver quelque chose à dire. Nous sommes plus attentifs aux passants, à l’ambiance. Une vieille dame en doudoune passe, un père de famille en foulard remonte la rue silencieusement. Les regards sont bas. Le silence pesant lorsque les gens se croisent. Comme s’il y avait de la méfiance dans l’air. Oui, derrière les vieilles pierres des maisons, nous ressentons un malaise, un mal profond. Le calme de la rue ne parvient pas à dissimuler la tension qui règne par ici. Les gens refusent d’en parler mais il ne fait aucun doute que la suspicion règne entre les voisins. Le doute est là. Les sourires de façade ne parviennent pas à masquer le terrible bouleversement en cours. Ce qui se joue rue de Mulhouse laisse planer une chape de plomb pesante par dessus les verdoyants jardins de ce lotissement des années 1870. Ce qui se trame rue de Mulhouse immisce le doute au plus profond des foyers. Les habitants de la rue sentent que toutes leurs certitudes peuvent bientôt voler en éclat. Tout ce qu’ils ont connu ne sera peut-être plus dans les jours à venir, quand un voisin glissera dans l’urne son bulletin François Fillon pour les primaires des Républicains. Voter François Fillon ? A Bordeaux ? Face à Alain Juppé ? Pourquoi ? Mais pourquoi ? Quel serait la signification d’un tel geste au coeur de ce quartier baigné depuis si longtemps par la douceur bienveillante d’Alain Juppé ? Nul ne le sait. Mais le doute est là. Il y a un filloniste rue de Mulhouse. Peut-être cet homme avec sa doudoune matelassée ? Peut-être cette jeune maman avec ses élégantes chaussures vernies ? Il est encore trop tôt pour le dire. Mais une chose est sûr, rien ne sera jamais plus comme avant rue de Mulhouse. Quelqu’un va voter François Fillon à la primaire des Républicains.

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Tout est calme, trop calme

 

Tradition & modernité

Aujourd’hui, 20 jours après cette visite, nous n’osons imaginer l’état de tension régnant rue de Mulhouse. Les voisins se salueront-ils lorsqu’ils se croiseront au bureau de vote dimanche ? Rien n’est moins sûr. Voilà de quoi geler l’animation de la rue pour quelques années encore.

 

Jour de fête rue de Mulhouse

 

Rue du Mulet

Saint-Pierre, ou le symbole du Bordeaux touristique et hype. Une façade de quais de grande classe, la carte postale par excellence, derrière laquelle se niche un petit trésor de quartier médiéval où il fait bon flâner, aller dans un des innombrables restaurants, et humer l’air d’un Bordeaux portuaire devenu touristique, et à l’évidence bobo, si tant est que ce terme veuille dire quelque chose.

Miroir d’eau, place de la Bourse, place du Parlement, Porte Cailhau… les joyaux du patrimoine local s’y déclinent sur quelques centaines de mètres à peine, rendant totalement inconcevable le fait d’éviter Saint-Pierre lorsque l’on fait visiter la ville à un touriste.

Mais vous commencez à nous connaître, nous ne sommes pas un blog de tourisme, et la dure loi de la statistique fait que nous avons quelque peu négligé Saint-Pierre, qui n’a accueilli qu’une seule de nos 54 précédentes visites, périmètre géographique réduit oblige.

Aujourd’hui Excel répare cette offense et nous envoie enfin découvrir le Bordeaux que l’on connaît déjà par coeur, celui du pub que l’on fréquente entre amis, du cinéma où on essaye de changer le monde et de la promenade du dimanche.

En arrivant devant la rue du Mulet, Vinjo et Pim réalisent néanmoins que si la rue du Pas-Saint-Georges perpendiculaire a été arpentée des dizaines de fois à toute heure du jour et de la nuit, cette venelle étroite leur était jusqu’alors restée inconnue.

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Perspective globale de la rue du Mulet

Un long panneau explicatif donne l’étymologie du lieu, pas de légende cocasse comme celle de la rue de la vache, et donc pas d’anecdote asine à vous compter, mais une bête erreur de sémantique puisqu’il s’agirait plutôt de la rue DE Mulet.

Arnaud de Mulet siégeait en effet au Parlement de Bordeaux à la fin du 16ème siècle, et ce Monsieur n’était pas n’importe qui puisqu’il était notamment Sieur de Préjeau (on n’a pas le moindre idée de ce que ça veut dire mais c’est sûrement super cool) et seigneur de la Tour-Saint-Maubert, devenu plus tard le fameux Château Latour dans le Médoc dont vous pouvez lire l’histoire ici, voire même vous offrir une petite bouteille si vous n’êtes du genre à avoir des problèmes de fins de mois.

Après, à quoi bon être un seigneur si c’est pour que quatre siècles plus tard les passants prennent votre rue pour un hommage à un cousin de l’âne ? La viographie est parfois taquine.

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Quelqu’un aurait 11 000 balles à nous prêter pour qu’on s’achète une caisse de Château Latour 2009 ?

Laissons De Mulet et revenons à nos moutons. Notre visite démarre à l’angle de la rue du Pas Saint-Georges, avec à notre gauche un glacier et à notre droite un restaurant italien, Osteria da Luigi, que l’on peut franchement vous conseiller après l’avoir testé (et visiblement les internautes sont du même avis que nous).

En arpentant la rue, on remarque pêle-mêle quelques immeubles en pierre divisés en appartements, un cabinet « d’ingénieur-conseil en conduite du changement », une maison d’hôtes puis un immeuble visiblement de standing, pour lequel une plaque indique qu’il date de 2006. La rue du mulet s’achève sur une petite place sur laquelle un chien court après une baballe sous l’œil d’adolescents en plein âge bête (c’est un constat, pas un jugement), avec en décor d’arrière-plan l’aire de livraison de la FNAC. La grouillante rue Sainte-Catherine n’est en effet qu’à 100 mètres de là, mais la rue du mulet contraste par son calme et sa faible fréquentation : aucune raison évidente d’emprunter cet axe biscornu qui n’offre aucune perspective sur le quartier.

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Mon coeur te dit je t’aiiiimeuuuuh

Alors ça c’était le trottoir de droite, mais sur le trottoir de gauche impossible de rater cet immense bâtiment flanqué d’un jardin, ce qui n’est pas si courant dans le quartier.

Nous poussons la porte du centre d’animation de Saint-Pierre pour en savoir plus. Quelques dessins d’enfants, une bibliothèque, un atelier de conversation en langue des signes. Au fond de la grande pièce du rez-de-chaussée, un bar « Le Zinc Pierre », chose qui ne laisse pas insensible les auteurs de Bordeaux 2066 qui ont fondé leur ligne éditoriale sur, outre le hasard, le houblon. Nassim interrompt sa partie d’échecs pour nous servir deux bières fraîches, puis très vite pour nous raconter l’histoire et le présent du centre d’animation où il exerce. Comme lors d’une promenade à la Benauge, nous sommes en présence d’un centre créé par l’ACAQB, association fondée sous Chaban, qui anime 11 centres dans Bordeaux dans le but de favoriser l’insertion, la citoyenneté et le partage. C’est ainsi qu’au 4 rue du mulet à Saint-Pierre, on peut assister à des concerts, participer à des projets de solidarité internationale, apprendre le coréen, ou tout simplement passer un moment à jouer aux échecs comme le faisaient Nassim et deux jeunes du quartier avant que nous les interrompions.

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Au centre d’animation de Saint-Pierre

Nassim nous raconte que le terrain était probablement il y a bien longtemps un cimetière, accolé à l’église Saint-Siméon (i.e. l’Utopia), avant d’appartenir à Arnaud de Mulet, dont il cherche toujours un portrait (si un de nos lecteurs a ça sous la main…). Il y a ensuite eu un terrain de jeu de paume, puis jusqu’en 1990 une école primaire avant de laisser place au centre d’animation du quartier.

Nassim a la quarantaine, et c’est un pur produit du quartier dont il nous raconte avec passion l’histoire cosmopolite et populaire, bien loin de l’image bobo qui lui colle aujourd’hui à la peau. L’enfance de Nassim à Saint-Pierre s’est déroulée dans un quartier un peu louche, avec ses dealers et sa vie souterraine, et à l’époque dire que l’on venait de Saint-Pierre générait une certaine suspicion chez son interlocuteur. C’était un quartier cosmopolite, où beaucoup de gens venaient d’Algérie comme les parents de Nassim, ou sinon de la péninsule ibérique. Un quartier craignos donc ? Non, bien au contraire, puisque tout le monde se connaissait, que les commerçants faisaient crédit, et que pour passer voir quelqu’un il suffisait d’ouvrir sa porte, l’interphone n’ayant pas encore conquis les entrées d’immeubles.

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Nassim lutte contre l’échec à Saint-Pierre

Les années 80 ont marqué un changement d’époque, avec une rénovation brutale ayant conduit la majorité des habitants historiques à migrer vers la périphérie.

Difficile d’imaginer ce passé populaire somme toute très récent lorsque l’on est attablé à un restaurant cosy du quartier entre des tablées de touristes, mais en compagnie de Nassim on arriverait presque à s’y croire.

Pour vous donner une idée, voici un extrait d’un JT de novembre 1980, où l’on évoque des loyers à 100 francs (soit 15 euros hein) et un questionnement sur la transformation de Saint-Pierre en « petit Marais » pour lequel on vous laisse libres de vos conclusions :

Petit Marais ou pas, ce qui reste certain c’est que De Mulet et sa rue nous font reprendre la plume sur ce blog un peu stérile depuis quelques temps. Promis on ne vous relaissera pas six mois sans ballades et sans bières !

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Au Zinc Pierre

Rue Jules Steeg

L’équipe de Bordeaux 2066 n’avait pas procédé à une visite de rue bordelaise depuis plusieurs mois. Mais nous avons des alibis : lors d’une rencontre avec un homme d’affaires libanais, Pim a décidé de reprendre la direction d’une mine de diamants en République Démocratique (sic) du Congo. Vinjo, lui, décida de mettre à profit ses légendaires talents d’athlète en entreprenant une traversée de l’Atlantique à la nage, ralliant Le Porge à Boston en 73 jours seulement. Problèmes relationnels avec un chef de tribu Kakongo pour l’un et légère tendinite au bras droit pour l’autre mirent fin à leurs aventures respectives, et nos héros décidèrent de revenir à leur existence tranquille de la classe moyenne bordelaise, espérant se faire pardonner cette absence momentanée par leurs fidèles lecteurs.

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Lorsqu’Excel donna la destination de cette 54ème visite, Vinjo se remémora un moment moins glorieux de son existence. Lors de l’époque bénie du stationnement gratuit, en l’an de grâce 2014, il n’était pas peu fier d’avoir réussi là où tant de ses congénères avaient échoué : trouver une place de stationnement à moins de quatre heures de marche de sa destination.
De retour pour enfourcher sa féline sochalienne vers d’autres destinations, il avait constaté avec désarroi qu’un invité indésirable s’était incrusté sur son pare-brise : un sandwich oriental enduit d’une sauce évoquant les guerriers japonais gisait sur l’automobile, et les frites qui l’accompagnaient s’étaient étalées sur une bonne partie du bolide. Après avoir imaginé une déclaration de guerre de l’empire ottoman, il fallut se rendre à l’évidence : s’être garé sous cet échafaudage à l’heure de la pause déjeuner n’avait pas été un pari gagnant. La rue Jules Steeg pour nous c’était donc ça : de longues minutes à enlever des frites froides du capot, et un détour par la blanchisserie pour automobiles du Quai de Brienne.

Attentat au kebab - Mars 2014

Attentat au kebab – Mars 2014

Ce pénible épisode avait été oublié, et nous partîmes sous un soleil quasi-printanier visiter la rue Jules Steeg, du nom d’un ancien pasteur protestant de Libourne qui fut député de la Gironde et père de l’école républicaine avec Jules Ferry.

Ceux qui s’aventurent encore en voiture dans Bordeaux connaissent probablement notre rue : elle est le prolongement de la rue Lafontaine et son radar fou, l’ensemble permettant d’aller relativement rapidement du Cours de l’Argonne vers la gare. Un radar « pédagogique » conclut la rue Jules Steeg lorsqu’elle arrive vers la Place Dormoy et le Cours Barbey, radar soit dit en passant très mal placé puisqu’en ce point précis circuler à plus de 40 km/h ne relève plus de l’imprudence mais de la bêtise pure et simple.

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Sur place, nous découvrons un paysage urbain des plus classiques dans le quartier : une pharmacie, des échoppes, quelques demeures un peu plus bourgeoises, et des habitations plus ou moins salubres.

Deux éléments retiennent néanmoins notre attention : une boîte de nuit fait l’angle avec la rue de Bègles. Son extérieur est passablement vétuste, et les souvenirs de retours à vélo à une heure un peu tardive dans le secteur nous laissent un peu dubitatifs sur la description faite par le site internet : « À Bordeaux, loin de la cohue des Quais de Paludate, proche des Bars la Victoire, la DISCOTHEQUE OXYGEN située, 66 Rue de Bégles, à proximité des Capucins, vous propose une musique intemporelle et pour tous les goûts, Funk, Rock, House club, Latino, Disco, des années 80 à nos jours, un accueil super sympa, une déco classe et confortable, une boite avec les plus belles filles et les plus beaux mecs de Bordeaux. »
Nous n’avons malheureusement pas eu le loisir de vérifier cela sur place, l’endroit étant situé dans le fameux périmètre de « tranquillisation » de la vie nocturne. Ceux que le sujet intéresse pourront lire ceci, et éventuellement faire un tour chez nos voisins espagnols pour constater que oui, vie nocturne et vie urbaine doivent coexister et qu’on ne soigne pas un panaris en amputant une jambe.

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Le côté de là où l'on trouve "les plus belles filles et plus beaux mecs de Bordeaux"

Le côté de là où l’on trouve « les plus belles filles et plus beaux mecs de Bordeaux »

Cette parenthèse refermée, cap vers le second élément de la rue Jules Steeg ayant retenu notre attention : une gigantesque halle faite de pierre et de bois, sur laquelle figure une simple plaque « Bernard Dugas – atelier de charpente ». Il fallut attendre un second passage pour trouver la porte ouverte, et entreprendre une visite guidée avec le volubile Bernard.

La halle vue de l'extérieur

La halle vue de l’extérieur

Les fanatiques d’ordre et de propreté ne trouveront guère leur compte. L’endroit, absolument immense, est en revanche une mine pour les amateurs de bric à brac poétique : vieux mats de bateaux, vieilles affiches de sécurité au travail, vieilles machines pour découper le bois, un camion… on ne sait plus où donner du regard dans cette faille spatio-temporelle que nous offre la visite.
Le clou du spectacle, c’est Bernard qui nous le montre : plusieurs puits allant jusqu’à 11 mètres de profondeur, recouverts par des plaques en métal. Au 19ème siècle, avant que l’urbanisation ne gagne le quartier, il était en effet recouvert de vignes, qu’il convenait à l’époque d’irriguer pour lutter contre le phylloxéra.

Intérieur de la halle

Intérieur de la halle

Un des puits de 11 mètres

Un des puits de 11 mètres

Bernard nous raconte que le lieu où il travaille encore le bois date du 19ème siècle, mais il n’a plus l’année exacte en tête. Ce dont il est sur, c’est que le bâtiment a toujours été occupé par des charpentiers. Google nous livrera plus de précisions : le bâtiment a été érigé en 1867 par Jean Limouzin, sûrement un cousin de Marcel Poitou-Sharentes, et ancien « Compagnon passant ». Un compagnon, tiens tiens. L’occasion de se replonger dans une de nos anciennes promenades, à peine un pâté de maisons plus loin, dans la rue Malbec qui abrite leur musée : la boucle est bouclée !
Les fans de compagnonnage et d’artisanat peuvent lire l’histoire complète des Limouzin ici, et saluer le choix d’aller s’installer dans la magnifique ville de Gradignan où a grandi la moitié de l’équipe de Bordeaux 2066 (choix rédactionnel de Vinjo) / s’interroger sur le choix de s’installer à Gradignan, un endroit fort déplaisant et surcoté (choix rédactionnel de Pim).
Les sceptiques sur la pérennité d’une telle activité artisanale encombrante en plein Bordeaux se rassureront avec les propos de Bernard, qui part à la retraite mais cède l’affaire à son fils ! Les charpentiers auront donc toujours leur propre toit rue Jules Steeg !

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Rassurés sur le fait de ne pas voir une énième résidence remplacer dans un futur proche un bâtiment historique, nous partons fêter cela en buvant une petite bière à la Casa Soto, située certes rue Lafontaine mais dont la terrasse bénéficie d’une belle vue sur la rue Jues Steeg. La première bonne surprise, c’est que Daniel, le patron, est très sympa. C’est en effet spontanément qu’il nous offre une seconde SuperBock, sans que nous ayons décliné notre identité de blogueur ni nos intentions. Merci Monsieur Soto ! Une fois les présentations faites, notre patron galicien installé à Bordeaux depuis plusieurs décennies nous décrit un quartier à la mauvaise réputation infondée et à l’ambiance conviviale et sympathique. Alors oui il y a eu des bars sans licence, oui il y a des nuisances multiples, mais après tout quel quartier n’en connaît pas.

Clairement la bière la plus bue du blog

Clairement la bière la plus bue du blog

La deuxième bonne surprise viendra quelques jours plus tard, lorsque nous testons la cuisine de la Casa Soto : c’est très bon ! Avis à ceux qui voudraient tenter : avec ou sans café, avec ou sans dessert, avec ou sans vin, c’est 15 balles quoiqu’il arrive, c’est plus simple pour la compta !

On y vient pour manger, on y vient pour boire, mais on peut aussi y venir tâter une certaine ambiance : celle du Bordeaux ibérique et populaire propre au barrio, selon le terme qui définissait un temps le secteur.

A la Casa Soto

A la Casa Soto

De la SuperBock, du vin charpenté et du lomo grillé : cette investeegation nous aura rassasié et convaincu que l’aventure est toujours au coin de la rue !

Place Puy Paulin

En pleins préparatifs de Noël, plutôt que de courir les magasins, l’équipe de Bordeaux 2066 décide de profiter d’une dernière découverte pour 2015. Excel nous offre un tour en plein centre ville : pas de Caudéran, de rive droite ou de Bacalan à l’horizon… en nous envoyant place Puy Paulin le logiciel nous installe dans la folie commerçante du centre ville, à deux pas de la rue Sainte Catherine et de l’étrange Impasse du Chapelet visitée juste avant.

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Paulin donc, ou plutôt Saint Paulin de Nole, est un homme de bonne famille qui serait né à cette adresse en 353. Ami d’Ausone, homme politique puis prêtre, il est fêté par le calendrier chaque 21 juin. Une date qui pour nombre d’entre nous sonne plutôt comme celle de la Fête de la Musique, ce qui tombe assez bien, puisque Paulin est considéré comme l’inventeur des cloches.

Si Paulin est né en ce lieu et a associé à son nom un Puy, c’est car il s’agit d’un des points culminants de la ville antique (avec une altitude vertigineuse de 12 mètres au-dessus de la mer, on ne se sent pas encore sur un sommet cantalien), tout proche des remparts de l’antique Burdigala, et où les riches familles romaines avaient élu domicile. Ceux qui iront se promener dans le secteur ne manqueront pas de remarquer des pavés de couleur différente dans la rue Guillaume Brochon, qui symbolisent le tracé de l’ancien rempart.

Une église fut ensuite construite sur le nord de la place, plus ou moins à l’emplacement actuel des Galeries Lafayette, le reste de la place accueillant le cimetière attenant. Mais Notre Dame de Puy Paulin subit au courant d’une XVIIIème siècle une profonde transformation pour devenir un hôtel particulier logeant les intendants de Guyenne, hôtel ayant lui même été détruit lors de la Révolution française.

Révolution ou pas, une fois sur place, on se sent plutôt en compagnie de la noblesse que du tiers état… Lovée entre trois artères commerçantes (Porte-Dijeaux, Intendance, Sainte-Catherine), la place accueille beaucoup moins de passage que les rues voisines, mais on relève une ambiance et un style plus Galeries Lafayette que Tati.

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Réaménagée il y a peu, Puy Paulin (parfois surnommée « Pipolin » par quelques anciens) accueille quelques commerces : la Droguerie en tête de gondole, un magasin de jouets, un magasin de meubles et quelques magasins de vêtements. Les commerçants que l’on rencontre nous expliquent que la place est un écrin assez tranquille au milieu des rues commerçantes voisines, un endroit où l’on vient pour trouver un peu de calme, un peu d’oxygène après un samedi après-midi rue Sainte-Catherine.

Au détour de notre exploration, nous entrons dans l’Hôtel de Restan, grand immeuble du 18ème siècle qui occupe tout le pan sud de la place. Le rez-de-chaussée abrite le magasin Grange, qui vend des meubles coûtant parfois plusieurs SMIC. Le responsable nous y accueille, il nous dresse rapidement l’histoire du bâtiment et du quartier, et nous invite surtout à prendre contact avec Monsieur Bombezin, ancien gérant du magasin (alors appelé Maison Dugard) et mémoire du quartier. Voilà le genre de clients dont nous sommes friands … ni une ni deux, nous partons à la rencontre des Bombezin.

Souvenir de Dugard à l'entrée de Grange

Souvenir de Dugard à l’entrée de Grange

Raymond, ancien gérant du magasin Dugard qui a précédé Grange, nous raconte les belles heures de sa carrière, quand ces dames fortunées arrivaient avec leur chauffeur pour dépenser leur argent pour son plus grand bonheur, ou encore quand la maison a eu le privilège de meubler Jacques Chaban-Delmas à son arrivée à Bordeaux.
Plus anciens encore sont les souvenirs de son épouse Denise, née il y a maintenant plus de 80 ans place Puy Paulin, au premier étage de l’Hôtel de Restan. Ses parents étaient arrivés de Paris pour prendre la tête de ce qui était dans l’entre-deux-guerres un grand magasin de tissus. La maman de Denise, à qui l’on avait promis une place chic dans Bordeaux a été un peu désarçonnée en arrivant là de trouver surtout un ballet de manutentionnaires, Puy Paulin étant l’arrière des Dames de France, devenues plus tard Galeries Lafayette. Mais qu’à cela ne tienne, les affaires ont prospéré, et de fil en aiguille c’est tout un pool économique autour du tissu qui s’était développé sur la place.

Après avoir passé une heure chez Monsieur et Madame Bombezin pour parler de la place Puy Paulin, Bordeaux 2066 a eu la bonne surprise de recevoir au courrier une lettre de Denise contenant des précisions. Le paragraphe qui suit n’a donc pas été écrit par vos serviteurs, mais par notre retraitée native de la place :

Le cadeau de Noël de Bordeaux 2066

Le cadeau de Noël de Bordeaux 2066

« Au 1er étage de l’immeuble était installé un magasin de fournitures de mode qui approvisionnait les modistes de Bordeaux et des environs. Les femmes à cette époque, c’est-à-dire jusqu’en 1960 environ, portaient des chapeaux. Et ensuite il est devenu le grand fabriquant de coiffures et chapeaux de la tournée Tichadel et également du Grand Théâtre. De ce fait toutes les artistes-danseuses-chanteuses venaient faire les essayages place Puy Paulin. Au coin de la rue Guillaume Brochon se trouvait Tissam qui était un concurrent de la Maison Dugard mais avec une clientèle différente. Tissam était connu par la publicité qu’il faisait que les écrans de cinéma « Encore un tissu Tissam », les vieux Bordelais s’en souviendront. De l’autre côté de la place il y avait une brodeuse et remailleuse de bas, cela semble incroyable pourtant cela se faisait beaucoup avant de connaître les bas nylon. Egalement en face de l’immeuble un marchand de partitions de musique, connu de tous les musiciens et chanteurs, une institution à Bordeaux ».

Denise, née place Puy Paulin

Denise, née place Puy Paulin

Aujourd’hui ces commerces de niches ont disparu, comme le rappelle l’enseigne de la Maison du Rasoir, laissée à l’abandon depuis plusieurs années.

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Le portrait historique de cette place Puy Paulin serait incomplet sans une description de l’Aiglon, haut lieu de la fête à Bordeaux jusque dans les années 70. Denise nous a décrit un lieu qui dans les années 50 était plutôt bourgeois, et où les jeunes filles venaient danser le dimanche après-midi sous le regard protecteur de leurs mères. Pas grand chose à voir avec Paludate donc, puisque d’après Denise il n’y avait ni drague ni alcool, et donc pas de bagarre sur fond de vomi sur les coups des 4 heures du mat’ en a déduit Bordeaux 2066.
Les membres du très actif groupe Facebook « Bordeaux je me souviens », en moyenne plus jeunes que Denise et Raymond, nous ont dressé un portrait un peu différent du lieu. D’après Rosine, qui a notamment fréquenté le lieu pour la Fête du Tet, c’est-à-dire le nouvel an vietnamien organisé par la communauté de Bordeaux, dans les années 60 le lieu n’était « pas bourgeois, bien au contraire », et on y croisait « des garçons au front bien bas style Guy Bedos et Sophie Daumier ». Mireille quant à elle se remémore « les jeunes filles assises autour de la piste et c’était le ballet incessant des jeunes gens qui de temps en temps essuyaient un refus ; souvent, avec l’arrivée d’un bateau, on voyait une nuée de pompons rouges pendant le slow ». Et Bernard, membre d’un ancien orchestre, de lui répondre : « C’était ça: la série de slows on la suivait depuis la scène et on rigolait de voir les mecs se prendre des vestes hi hi hi ».
D’après le panneau de chantier collé à la façade, le bâtiment de l’Aiglon va accueillir prochainement une nouvelle enseigne de vêtements. On pourra donc de nouveau se prendre des vestes place Puy Paulin, une fois de plus l’histoire bégaye…

Orchestre Chris Blanchard, 1972. Merci à Bernard pour la photo.

Orchestre Chris Blanchard, 1972. Merci à Bernard pour la photo.

A leur manière, le textile et les meubles ont réussi le passage vers le 21ème siècle sur la place Puy Paulin, en s’adaptant aux exigences d’une ville devenue piétonne et moderne. Mais le plus immuable dans tout ça, c’est quand même le fait de boire un coup. La brasserie « Le Puy Paulin » désaltère travailleurs et passants depuis plus d’un siècle, en ayant conservé une partie de son décor historique.

A la fin de l’apéritif, Bordeaux 2066 se sent le front bien bas et irait volontiers danser dans l’Aiglon envolé. Mais voilà aujourd’hui, pour se prendre des vestes et se faire rhabiller pour l’hiver, il faut sortir du centre ville. Le voici le vrai drame de la modernité urbaine, au sommet du vieux Bordeaux.

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Impasse du Chapelet

Etrange tirage au sort que ce 52ème de nos visites de rues bordelaises.

Il faut dire que la veille au soir, l’équipe de Bordeaux 2066 se livrait à une activité d’une grande originalité : boire des bières dans un bar de la Victoire. Oui mais voilà, la veille au soir, c’était le vendredi 13 novembre, et au fur et à mesure que nos bières se vidaient, nos écrans de smartphone se remplissaient de nouvelles sordides en provenance de la capitale. On ne va pas vous la jouer « Génération Batacalan » et tout le tintouin, mais il faut bien avouer qu’après avoir passé quelques heures à suivre les directs des chaînes d’infos en continu, notre état d’esprit allait plus vers un week-end en position du fœtus sur nos canapés que vers la visite d’une rue de notre ville encore hébétée.

Puis est venu le temps de se ressaisir. « Occupy terrasse, not afraid » scandait Internet, comme si le fait de parler Anglais donnait de la prestance géopolitique à un acte somme toute à la portée de tous. Soulagée par le fait que l’ordre de mobilisation générale contre l’ennemi consiste en une binouze collective, l’équipe de Bordeaux 2066 a donc éteint sa télévision et s’est rendue à l’évidence : comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, nous luttions contre le terrorisme depuis de longues années déjà.

On s’y voyait déjà : pourquoi pas une rue cosmopolite du Bordeaux populaire ? Une rue qui raconte l’histoire portuaire de notre ville, une rue où une vieille bordeluche nous dirait que « après tout ces messieurs les immigrés d’en face sont bien charmants », et l’on terminerait dans un café portugais où Jorge, bras dessus bras dessous avec Jean-Claude et Abdelkader célèbreraient leur amitié de 30 ans à grands renforts de Super Bock. Avec un tel tableau, Bordeaux 2066 partirait dans un éloge appuyé de notre société pas si malade que ça, et quand les types de Daesh liraient ça sur le net, ça allait drôlement leur saper le moral.

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En rouge : l'impasse (qui n'en est pas une) du chapelet

En rouge : l’impasse (qui n’en est pas une) du chapelet

Mais visiblement Excel n’était pas d’humeur à nous laisser jouer aux éditorialistes béats, et nous a donc mené impasse du Chapelet, en plein cœur du Triangle, terme qui à Bordeaux n’évoque pas que de la géométrie euclidienne, mais surtout, dans le désordre : fric / hôtels particuliers/ Mini Cooper / manteaux de fourrure / mèche / boutiques de luxe, etc.

Un repérage Google nous montre que l’impasse du chapelet est une étroite venelle qui contourne l’église Notre-Dame, pour rejoindre le marché des Grands Hommes.
En arrivant devant la susnommée église, l’équipe de Bordeaux 2066 cherche tout de suite du regard l’entrée de l’impasse du chapelet, notre préoccupation du jour, mais là enfer, horreur et damnation :

Fermé !

Fermé !

Côté Grands Hommes : idem !

Côté Grands Hommes : idem !

Aperçu

Aperçu

Alors celle là on ne nous l’avait encore jamais faite. Une rue a priori publique, puisque figurant dans notre base de données, mais fermée par une p***** de grille. Côté marché des grands hommes : pareil ! On rêvait de rencontres, d’anecdotes, de morceaux d’histoire, mais voilà que l’on contemple une grille rouillée, en cherchant vainement une façon de contourner l’obstacle.

Mais ils ne gagneront pas si facilement, et ô aubaine : devant la porte fermée de l’impasse du chapelet se tient… une terrasse ! Normalement l’équipe de Bordeaux 2066 ne s’autorise un réconfort houblonné qu’après une longue et documentée visite, mais là il en va de la survie de l’occident, aussi avons-nous fait une petite exception.
A 4,90€ la Heineken bouteille, le moins que l’on puisse dire, c’est que ça coûte cher de résister au beau milieu du Triangle.

Tremble, Daesh !

Sur cette table se trouvent 9,80€

Bordeaux 2066 profite de sa lutte anti-terroriste pour glaner quelques informations sur le mystérieux passage, et apprend que le curé de l’église Notre-Dame qui nous fait face possède LA clé.

Ce qu’on a oublié de dire, obnubilés que nous étions par notre grille, c’est qu’elle est jolie cette église Notre-Dame. L’écrivain corrézien Denis Tillinac lui a même fait une jolie déclaration : « J’ai découvert récemment, en flânant sur les allées de Tourny, un visage blond, ensoleillé, au sourire enjôleur : la façade restaurée de l’église Notre-Dame. Enfin l’Italie ».

Le Père Jean Rouet, qui nous reçoit gentiment dans son presbytère de la rue Mably quelques jours plus tard, nous retrace l’histoire de la paroisse dans laquelle il opère depuis 16 ans. Notre-Dame est une église de style baroque, denrée rare à Bordeaux puisqu’elle est semble-t-il la seule avec Saint-Bruno.
Si on peut attester d’une occupation du terrain depuis le 13ème siècle, la forme actuelle du bâti date de la fin du 17ème : les Dominicains ont alors érigé un ensemble composé d’une église et d’un couvent, qui n’est autre que la Cour Mably qui abrite aujourd’hui la Cour des Comptes. C’est à cette période qu’apparaît sur le plan de Bordeaux la Place du Chapelet. Mais quid de l’impasse ? Aucune trace historique à ce sujet, même si notre hypothèse serait qu’elle servait simplement d’évacuation sanitaire aux bâtiments du Cours de l’Intendance arrivés un peu plus tard… Nous sommes preneurs de tout élément complémentaire ou contradictoire si un lecteur a ça sous la main !
Le nom de « chapelet » vient quant à lui d’un bas-relief de l’église, qui représente Jésus remettant un chapelet à Saint-Dominique, tout simplement.

Fable moderne : le 4x4 et le chapelet

Fable moderne : le 4×4 et le chapelet

L’histoire de l’église (bien plus complète sur ce lien) et du couvent suit son cours jusqu’à la Révolution, synonyme de confiscation des biens par l’Etat. Pas une mauvaise affaire, constate avec le recul le Père Rouet, bien content de ne pas payer de sa poche les travaux d’entretien de tous ces bâtiments.
En 1802, le culte est rétabli, et Notre-Dame (qui acquiert alors seulement son nom actuel) devient même provisoirement Cathédrale de Bordeaux, en attendant que Saint-André soit remise en état.

Dans l’époque moderne, l’histoire de Notre-Dame reste marquée par l’effondrement de la voute de l’église, en 1971. Sans faire de victimes, « preuve qu’il existe un bon Dieu » nous dit Jean Rouet dans un éclat de rire. L’équipe de Bordeaux 2066 n’a pas encore pris le temps de vérifier cette information. Là encore ce fut un mal pour un bien, puisque le directeur de cabinet de Malraux, un amoureux de Bordeaux, ordonna la restauration complète de l’église, pour aboutir au résultat que l’on connaît.

La voute restaurée de l'église Notre-Dame

La voute restaurée de l’église Notre-Dame

Aujourd’hui la paroisse se porte bien, et attire des fidèles de toute l’agglomération bordelaise, dépassant largement le statut d’église de quartier. Le Père Rouet fait même salle comble le dimanche, avec environ 600 fidèles, attirés par la beauté du lieu peut-être. La beauté d’une église encourage-t-elle la foi ? Bordeaux 2066 songe à aller creuser la question du côté de l’église Saint-Delphin du Pont de la Maye, église la plus moche sur la métropole bordelaise recensée par nos soins à ce jour.

Notre -Dame vs Saint-Delphin

Notre -Dame vs Saint-Delphin

 La suite de la visite se déroulera en compagnie de Marie-Jo, bénévole à la paroisse, et heureuse détentrice de LA clé. Marie-Jo nous met tout de suite au parfum : l’impasse du Chapelet est une venelle « dégueulasse et odorante » et s’y aventurer de nuit sans lampe se fera sans elle.

Quelques minutes plus tard, il fait nuit noire dans l’impasse du chapelet. Une substance indéterminée coule le long des murs, et les pigeons frôlent nos têtes comme pour nous signifier que nous ne sommes pas les bienvenus. S’éclairer au flash d’appareil photo ne suffira pas à nous rassurer de nous trouver dans ce cloaque méconnu des beaux quartiers.

Lors de notre entrevue, Jean Rouet nous a confié que « les inquiétudes n’ont jamais fait avancer l’histoire ». Bordeaux 2066 a pensé très fort à cette sage parole, pour s’extraire de la nuit sombre de l’impasse du chapelet, autant que pour s’extraire des nuits sombres devant les chaînes d’info en continu.

Le marché des Grands Hommes semble bien loin

Le marché des Grands Hommes semble bien loin

Sombres heures de notre histoire

Sombres heures de notre histoire

Avenue Abadie

51 je t’aime, j’en boirais des tonneaux, à me rouler par terre, dans tous les caniveaux ! C’est avec cette petite musique en tête que nous partons ce samedi découvrir notre 51ème rue. Le tirage au sort décide lui de rester sobre, pas de rue d’Armagnac, de place Marie Brizard ou de rue Picon à l’horizon, c’est sur la rive droite que nous partons découvrir l’Avenue Abadie.

 

Abadie donc voilà notre rue

Abadie donc voilà notre rue

Touchés par la grâce, la première chose que l’on voit en arrivant sur place, c’est surtout l’église Sainte-Marie qui marque le début de notre avenue. Construite pendant la deuxième moitié du XIXème siècle, l’église a été conçue par … je vous le donne en mille … Paul Abadie. Disciple de Viollet-le-Duc et architecte diocésain, Abadie fut assez actif dans la région : restauration des cathédrales d’Angoulême et Périgueux, hôtel de Ville à Périgueux, restauration de Saint-Michel à Bordeaux, et celle aussi – plus controversée – de l’église Sainte-Croix.

Rive droite en tout cas, pas de débats sur la construction de Sainte-Marie de la Bastide qui fut érigée en lieu et place de l’église oubliée que nous avions découvert rue Henri Dunant, forte croissance démographique de la rive droite liée à l’industrialisation oblige. Sainte-Marie vient plutôt confirmer le style d’Abadie, que l’on retrouvera encore plus tard dans son projet le plus célèbre : la basilique de Montmartre.

 

Bordeaux - Périgueux - Montmartre : l'Abasie's touch

Bordeaux – Périgueux – Montmartre : l’Abadie’s touch

L’avenue pris le nom de l’architecte en 1886, deux ans après sa mort, et au moment où le préfet officialisa l’avènement de Sainte-Marie comme église « officielle » de la Bastide. Avant cela elle s’appelait beaucoup plus communément, avenue de la Gare. Oui, de la Gare, car pour nos lecteurs qui l’ignoreraient, à l’époque la Gare Saint-Jean n’avait pas le monopole des trains bordelais, et sur la rive droite se tenait la Gare d’Orléans, devenue il y a maintenant 15 ans le cinéma Mégarama.

Les conteneurs au bout de l'avenue en 2002 (Photo : Histoire de la Bastide)

Les conteneurs au bout de l’avenue en 2002 (Photo : Associations Histoire(s) de la Bastide)

Comme on le voit sur cet ancien plan, la gare et ses voies s’étendaient sur une bonne partie de la rive droite, et notre avenue était donc à l’époque un cul-de-sac, terminant sa route sur un portail marquant l’emprise de la Compagnie Nouvelle des Conteneurs, ancienne filiale fret de la SNCF. Au beau milieu de ce qui est l’actuelle Avenue Abadie, se tenait donc un site de transport combiné, en d’autres termes un endroit pour décharger des camions sur des trains, et vice-versa. Pour aller de l’autre côté, vers ce qui est aujourd’hui le site du jardin botanique, il fallait emprunter une passerelle piétonne un peu plus loin. Aujourd’hui encore plusieurs friches demeurent, plus ou moins abandonnées, ou utilisées comme parking.

Relique SNCF sur parking en voie de disparition

Relique SNCF sur parking en voie de disparition

Mais demain ces terrains seront occupés par de nouvelles constructions : logements, bureaux, commerces : avenue Abadie se termine le projet d’urbanisme de Niel, nouveau quartier de la rive droite dont on devrait voir les premiers projets sortir prochainement de terre.

En attendant les futurs projets, un bâtiment moderne se dresse déjà au milieu de l’avenue. Il s’agit du pôle universitaire d’économie et gestion construit en 2007, et là … chapeau. L’équipe de Bordeaux 2066 a souvent de fortes divergences de vue sur les projets architecturaux, mais sur celui-ci nous sommes pour une fois d’accord et admiratifs du bâtiment, léger, lumineux et fleuri, et l’on se dit que l’on aurait bien aimé étudié dans ce genre d’endroit nous qui avons usé nos culottes d’étudiants dans le ciel grisâtre de Lille, entre les briques, les frites et la bière.

Pôle universitaire vu de dehors

Pôle universitaire vu de dehors

Pôle universitaire vu de dedans

Pôle universitaire vu de dedans

D’étudiants nous n’en voyons pas beaucoup, notre visite ayant lieu un samedi. Mais en marchant sur leurs pas et sur ceux de leurs professeurs nous arrivons rapidement au Pique-Feu : bar-restaurant proche de l’église et surtout bonne adresse pour des repas de qualité à budget raisonné. On y discute avec Frédéric, le patron du lieu. Voilà dix ans qu’il a quitté le tumulte de la vie parisienne pour venir s’installer sur la rive droite bordelaise. Un pari, mais un pari réfléchi puisque ce choix il l’a fait en sentant le potentiel de ce quartier … les choses ont déjà beaucoup changé depuis son arrivée nous dit-il, et il attend les prochaines étapes et ces nouveaux quartiers qui devraient continuer à dynamiser la zone.

Si Frédéric n’est là que depuis quelques années, le Pique-Feu est lui bien ancré depuis fort longtemps, et on devine encore son ancien nom sur la façade : Restaurant Menneteau. De vieux habitants du quartier, occupés mains dans le dos et casquette sur la tête à refaire le monde sur le parvis de l’église, nous expliquent que le lieu était une halte fréquentée par les routiers qui venaient charger/décharger les conteneurs de la gare … connu aussi il y a quelques temps pour ses filles de joie, comme les nomment ces vaches de bourgeois. Plus récemment le Pique-Feu était aussi réputé pour ses aloses grillées sur un grill installé dans la rue : un régal semble-t-il ! Merci en tout cas à Brigitte de l’association Histoire(s) de La Bastide, dont les témoignages et les infos nous ont été une fois de plus fort utiles !

Incroyable : une Bluecub !

Nous voilà donc en terrasse, buvant notre traditionnelle bière de fin de visite, à observer le va-et-vient des passants de l’Avenue Abadie, bien différent du ballet des camions qu’offrait le 20ème siècle. Cinquante et unième rue de nos déambulations, l’avenue Abadie est aussi, dans l’ordre alphabétique, la première de toute les voieries bordelaises. De l’alpha à l’oméga, entre l’avenue Abadie et la rue Yves Glotin, il nous reste encore 2015 rues à explorer et 4030 bières à avaler !

Bières n° 102 et 103 du blog

Bières n° 102 et 103 du blog

Rue Emile Combes

En ces périodes troublées dans la géopolitique mondiale, et pour la visite de notre 50ème rue, Excel nous envoie explorer une frontière hautement sensible et stratégique. Après la rue du Grand Maurian il y a quelques mois, voici donc notre seconde incursion en terre saint-augustinoise, excroissance bordelaise piquée en son temps à l’imposant voisin mérignacais par la volonté du premier magistrat David Jonhston.

Et puisque le recyclage est une pratique encouragée pour la survie de notre planète, Bordeaux 2066 participe à l’effort global et ne résiste pas à l’envie de recycler le rébus alors partagé sur notre page Facebook pour faire deviner le nom du quartier visité :

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Direction la rue Emile Combes, qui a la particularité de marquer la frontière entre Mérignac et Bordeaux sur l’intégralité de sa longueur, à savoir tout de même 1,4 kilomètres, de la station de tram François Mitterrand jusqu’à l’entrée de la Rue Genesta dont les vieux de la vieille se souviendront avec émotion. 1,4 kilomètres, je vous le donne en mille, Emile, c’est quasiment un mile. Bon à 200 mètres près, mais cela en fait en tout cas la plus longue rue visitée par le blog à ce jour.

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Notre blog ne traitant que de Bordeaux, et le règlement intérieur (non écrit) étant trrrrrèèès strict, nous avons un temps envisagé de ne vous parler que de la partie bordelaise de la rue, à savoir le trottoir de droite lorsque l’on remonte vers le nord, mais finalement dans un geste d’apaisement envers nos lecteurs mérignacais nous consentirons à décrire également le trottoir d’en face, voire même pourquoi pas à sourire aux quelques passants qui s’y tiennent.

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Notre promenade commence près de la station de tram François Mitterrand, sur la grande avenue du même nom, où la rue Emile Combes se termine étrangement par deux potelets la transformant de facto en impasse.

A notre droite : Bordeaux, où se tient une grande demeure bourgeoise divisée en trois appartements. A notre gauche : Mérignac, où la Résidence Arabella bouche quelque peu l’horizon avec ses sept étages avouons-le pas follement enthousiasmants sur le plan architectural.

Bordeaux la bourgeoise, où l’on se pavane dans des salons dorés en contemplant par derrière les rideaux de soie les gueux mérignacais entassés dans leurs immeubles bon marché ? On vous arrête, la suite de la rue Emile Combes ne nous permettra pas de tirer ce genre de conclusion, et outre les panneaux et le code postal, rien ne ressemble plus à un trottoir de la rue Emile Combes que le trottoir d’en face de la rue Emile Combes.

Ce qui est assez singulier en revanche, c’est le tracé de cette rue, qui n’a de cesse de se contorsionner et de changer de direction à chaque croisement. On s’en doutait un peu en visitant : la rue marque bien une ancienne limite de domaine, qui n’était autre que celui du Grand Maurian, déjà évoqué plus haut.

Les plus férus d’histoire d’entre vous trouveront leur bonheur sur ce lien qui montre les plans du quartier en 1828, où l’on constate donc que la rue existait déjà. On relèvera néanmoins qu’à cette époque le sénateur et Président du Conseil Emile Combes n’était pas encore né, et que la rue portait le nom de « Chemin du Pont Cassé ». Et comme la vie est faite de frustrations, nous sommes incapables d’expliquer l’origine de cet ancien nom.

 

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Mérignac

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Bordeaux

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Mérignac

La rue Emile Combes égrène échoppes bordelaises (ou mérignacaises !), petits immeubles collectifs et anciennes propriétés bourgeoises, dans un décor très typique de nos quartiers périphériques, jusqu’à un changement d’ambiance à l’approche de l’église Saint-Augustin et donc du centre du quartier. La circulation automobile se montre plus dense, et la rue Emile Combes se fait commerçante puisqu’on y trouve pêle-mêle agence immobilière, caviste, crêperie, opticien, magasins de prêt-à-porter, enseigne où on vous promet de maigrir et une inévitable banque, « parce que le monde bouge » paraît-il.

Notre visite tardive ne nous permet pas de visiter toutes ces enseignes, mais on mentionnera néanmoins plus particulièrement « Cafés Dolce », lieu repris récemment par Sabine qui était depuis 12 ans « Café Mogy » (le lieu, pas Sabine). On peut y déguster plus de 100 variétés de thés et cafés, ou bien participer le samedi à un atelier de caféologie pour en savoir un peu plus sur ce breuvage à consommer avec modération.

Après cette pause café, la rue reprend son aspect tranquille, principalement composé de jolies échoppes fleuries. On croyait vous avoir débusqué une secte ou un club échangiste, mais finalement « Bordeaux Libre » est une simple maison d’hôtes décrite par son site internet comme étant « au cœur de Bordeaux », ce qui procède d’une plaisante vision de notre ville en l’an 2350.

Un peu plus loin sur la droite, se trouve le collège Emile Combes, collège bordelais donc où ne sont scolarisés que les enfants du trottoir de droite. Les ados mérignacais sont donc invités à faire un peu de sport et à se rendre au collège Bourran, à 2,5 kilomètres de là.

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Squatt mérignacais

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Collège bordelais

C'est ça ouais...

C’est ça ouais…

Pour faire un bon article, Bordeaux 2066 aime tomber sur de vrais spécimens bordeluches au langage cru, ravis de partager leurs truculents souvenirs. Peine perdue dans le policé et globalement bourgeois Saint-Augustin se dit-on, avant de tomber sur le club de pétanque du quartier, fréquenté par des papés du genre pas intimidés de nous voir débarquer.

D. ouvre la conversation, embrayant immédiatement sur ces « branques de Parisiens qui te rachètent une ruine à 400 000€ », puis coupé tout de suite par un de ses acolytes : « Mais bougre d’âne, fais attention : qui te dit que ces messieurs ne sont pas des Parisiengggs ? ».

D. est un immigré. Originaire des Capucins, c’est l’amour de « sa bourge » qui l’a porté vers Saint-Augustin, quartier agréable et commerçant certes, mais « où même les pauvres se regardent marcher ». S’en suivra le récit de réjouissantes tranches de vie de la belle époque où « à Bordeaux il y avait un bal tous les soirs, et il n’y avait pas besoin de se protéger pour sabrer une gonzesse », et où on pouvait aller sur les quais « à 11 dans la décapotable, même complètement défoncés ».

D. n’aime pas trop la façon dont évolue Bordeaux, principalement en raison des bars qui disparaissent, et là dessus on ne peut que l’appuyer. Quand il se promène dans le quartier, D. déplore de voir par la fenêtre des jeunes rivés à leur ordinateur, au lieu d’aller échanger avec les voisins. L’occasion d’en remettre une petite couche sur les Parisiens, ces gens « qui te regardent comme si tu sortais du zoo de Vincennes quand tu leur dis bonjour ».

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C’est vrai que les bars ont tendance à disparaître dans les quartiers périphériques et que la vie y est souvent anonyme, mais heureusement certains luttent contre ce phénomène et de nouvelles enseignes s’ouvrent. Rue Emile Combes, c’est Léo, enfant du quartier, qui s’y est collé. Il a repris il y a moins d’un an un ancien dépôt-vente de vêtements, et y a installé un resto-snack à bas prix mais néanmoins de qualité : la Cantine Gourmande. La bonne nouvelle, c’est que la mairie l’a autorisé à louer le petit square qui fait face au restaurant, et donc à y installer tables et jeu de fléchette, créant une sympathique ambiance de pique-nique entre copains.
Pour ceux qui sont inspirés, Léo propose de laisser sur un papier des idées de recettes de burger, et procède ensuite à un tirage au sort pour désigner « le burger du moment ».

Léo

Léo

Et pour tenter de recréer un de ces bals chers à D., Léo est actuellement en pourparlers pour avoir l’autorisation de diffuser un peu de musique live en début de soirée. Pas de quoi créer d’esclandres dans le paisible quartier de Saint-Augustin, ni de dérapages verbaux comme ceux, en 1905, du ministre Camille Pelletan sur les Corses, que son chef de gouvernement, un certain Emile Combes, avait attribué à « la chaleur communicative des banquets ».

Une simple San Miguel dégustée en fin de visite ne sera pas assez pour nous faire céder à cette chaleur des banquets, mais la douce mousse est largement suffisante pour nous (Emile) combler de joie après ce périple frontalier.

"La chaleur communicative des banquets" Emile Combes - 1905

« La chaleur communicative des banquets » Emile Combes – 1905

Rue D’Artagnan

Pour cette 49ème visite, un brin d’appréhension soufflait dans l’équipe de Bordeaux 2066. Tout juste habitués à d’éphémères apparitions médiatiques locales, voilà que pour ce tirage au sort nous recevions la visite de Marie Misset, qui certes est moins célèbre que Claire Chazal, mais cause tout de même trois heures par jour sur Radio Nova pour l’émission « 2h1/4 avant la fin du monde ». Tel 40 degrés à l’ombre à l’époque, Marie et son équipe s’offrent un petit tour de France estival pour humer l’air du pays, qui passait par Bordeaux cette semaine là. Ces journalistes parisiens ayant de bien drôles d’idées, Marie s’est dit qu’elle allait tirer une rue au sort avec nous et venir l’arpenter, micro en main.

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On ne sait pas trop si Excel a voulu faire honneur à notre thématique #bdxmoche (ceux qui nous suivent sur Facebook ou Twitter comprendront) ou encore s’il a souhaité impressionner notre visiteuse qui avait pris ses quartiers d’été sur la très cosy Place du Marché des Chartrons, mais toujours est-il que le sort nous a mené rue d’Artagnan, en plein secteur non rénové de la rive droite, au bout du moche Pont Saint-Jean et le long du moche Quai de la Souys. Même Robert Coustet dans son viographe des rues de Bordeaux n’y va pas avec des pincettes et écrit : « La rue dédiée à ce symbole de l’intrépidité gasconne n’est en réalité qu’une pauvre impasse ».

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La première sensation en arrivant sur place est olfactive : « Ça pue ». Il faut dire qu’il faisait fort chaud ce matin là, et que les bas-côtés de la rue d’Artagnan ressemblent un peu à cours de biologie sur la biodégradabilité des déchets, la pâleur de certains emballages laissant penser que ça n’était pas le premier été qu’ils passaient dans le secteur.

Perspective générale de la rue D'Artagnan

Perspective générale de la rue D’Artagnan

Banc abandonné

Banc abandonné

« STOP » abandonné

L’équipe de trois mousquetaires que nous formons pour l’occasion arpente la rue d’Artagnan, qui est donc une impasse où l’on remarque tout d’abord le dépôt des Cars de Bordeaux, l’entreprise qui exploite notamment la navette Jet’Bus entre l’aéroport et la gare Saint-Jean. On y papote rapidement avec Sébastien, qui est responsable des plannings des conducteurs, et qui a donc la lourde responsabilité de vous faire arriver à l’heure pour prendre votre avion.

Tourisme radiophonique dans les rayons de Gédibois

Tourisme radiophonique dans les rayons de Gédibois

Coincé entre les Cars de Bordeaux et un magasin Gédibois, qui n’est autre qu’un Gédimat dédié au bois, on remarque un petit enclos avec deux caravanes et un petit cabane en bois : y aurait-il des habitants dans cet univers minéral et industriel ?

Oui ! Cette vie humaine, c’est Tony et Chantal qui l’apportent à la rue d’Artagnan. On s’en doutait certes un peu, mais Tony nous précise d’emblée : « On est de la communauté des gens du voyage ». Rue d’Artagnan, Tony y gardienne la friche voisine, qui appartient à un ami qui a pour projet d’y installer une centrale de béton, qui semble bien compromise face à l’ogre Euratlantique. Peut-être a-t-on une gueule à avoir des préjugés, mais en tout cas Chantal et Tony nous précisent qu’ils travaillent tous les deux et mènent une vie comme vous et nous, sédentaires, mais dans une caravane. « La vie en appartement j’ai connu, mais j’peux pas », nous confie Tony qui a ça « dans le sang ». Le mot de la fin pour Radio Nova ? « Vous êtes choukar ». Ça veut dire « jolie » en manouche : Bordeaux 2066 gagne à féminiser ses promenades.

Chantal et Tony, deux des rares habitants de la rue D'Artagnan

Chantal et Tony, deux des rares habitants de la rue D’Artagnan

Eh oui, déambuler avec une jeune femme, ça peut ouvrir des portes. Mais pas une porte Premdor en l’occurrence. Tout au bout de la rue d’Artagnan, qui est en fait une impasse, se trouve cette usine d’environ 100 salariés, ainsi que le siège social français de cette entreprise américaine. On y fabrique des portes en bois, pour entreprises ou pour particuliers. Pourquoi installer son siège à Bordeaux ? « Le climat peut-être ? » nous répond-on sans conviction à l’accueil. L’accueil restera cordial mais prudent : pas de photos, pas de visite de l’usine non plus… la porte se referme !

A défaut de portes, les auditeurs de Nova et les lecteurs de Bordeaux 2066 pourront se consoler avec du vin. En rebroussant chemin dans la rue/impasse d’Artagnan, le grand hangar « CVL » est le dernier occupant de la rue que nous visitons. On remarque tout d’abord un bateau garé sur l’immense parking, dont personne ne peut expliquer la présence, soit. Pour le reste, à l’intérieur, c’est du pinard. Nous nous trouvons ici sur un lieu de stockage de grande surface. Ça ne paye pas de mine, mais ça fait que du coup le must du terroir girondin peut se trouver rue d’Artagnan, ce qui n’est pas franchement évident de prime abord. Et puis ça a fait plaisir à notre « touriste » parisienne : « On est vraiment à Bordeaux ici ! »

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Le truc qu’on n’a pas encore dit dans cet article, c’est que si on trouve autant d’usines et d’entrepôts rue d’Artagnan, c’est parce qu’on est en pleine rive droite, où la vocation industrielle s’est affirmée au 19ème siècle notamment par le biais d’un réseau dense de chemins de fer. On est ici en plein secteur de fret, qui raccordait les voies ferrées de différents points cardinaux et qui était donc un lieu intéressant pour la production et le stockage. Seulement ici les voies ferrées ont progressivement été abandonnées, mais le quartier n’a pas perdu sa vocation industrielle pour autant. Alors comment on les achemine toutes ces marchandises ? En voiturette électrique ? En Segway ? En trottinette solaire ? ET NAN : en gros camion qui pue ! Que ça soit Gédibois, les portes Premdor, ou encore le pinard : tout se fait en camion rue d’Artagnan, autant dire qu’on est loin de la zone 30 machin truc où les enfants peuvent jouer au ballon au milieu des papillons.

RTL avait à l’époque une émission appelée « Les routiers sont sympas ». Pas sur que Radio Nova la reprenne à la rentrée prochaine, mais néanmoins si l’on se base sur le jeune Boris : oui les routiers sont sympas ! Avec son camion immatriculé 49, Boris arrive de Cholet, et il attend que Premdor lui ouvre la porte pour justement pouvoir en charger. Du coup il patiente à l’ombre avec un sandwich de la boulangerie du Quai de la Souys, avant de refaire les 4 heures de route en sens inverse. Choyons la rue d’Artagnan, pour certaines personnes elle est l’unique aperçu qu’elles auront de Bordeaux !

Boris le routier

Boris le routier

Nous on ne reprend pas la route, du coup on file boire une petite bière, fidèles à nos habitudes. Pour clôturer cette visite dédiée aux hangars et à l’industrie, on reste dans le thème en profitant de la terrasse de Futbol Futbol, un complexe sportif dédié au foot en salle. Normalement on boit une bière après un harassant match de foot, bon nous on va faire comme si hein ! C’est à l’ombre d’un hangar et de palettes de manutention que nous trinquons à la santé de d’Artagnan, l’intrépide gascon à la « pauvre impasse » ,de Radio Nova et surtout aux vacances qui arrivent. On se retrouve en septembre pour de nouvelles rues, et d’ici là si vous vous ennuyez sur la plage ou dans les bouchons vous pouvez (ré)écouter notre passage sur Nova :

Reportage rue D’Artagnan à partir de 10’30 : http://www.novaplanet.com/radionova/47592/episode-bordeaux-vendredi-partie-1

Interview à partir de 21′ : http://www.novaplanet.com/radionova/47594/episode-bordeaux-vendredi-partie-2

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BONUS : envie de parler manouche ? Consultez donc ceci.

Cours de la Martinique

Ca y est, c’est l’été … il fait chaud et c’est le début de la canicule sur Bordeaux, pas de quoi nous arrêter pour autant ! Armés de notre courage et déterminés à nous rafraichir autour d’une petite mousse en fin de visite, nous partons pour notre 48ème rue, direction les DOM-TOM : pas le bagne de Cayenne mais plutôt la Martinique ! A nous Fort-de-France, les plages et la mangrove de l’île aux fleurs. Bon évidemment, à nous plutôt le cours de la Martinique, en plein milieu des Chartrons, sur ce qui ressemble encore à Check Point Charlie dans l’esprit de certains vieux Bordelais du centre ville, qui ont longtemps considéré que cette artère marquait la limite Nord de ce qui est « « « fréquentable » » ».

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Pourquoi la Martinique d’ailleurs ? Contrairement à ce que l’on pourrait penser, aucun lien douteux avec le commerce triangulaire. Le précieux Robert Coustet nous apprend qu’en 1902, après l’éruption de la Montagne Pelée, les Bordelais émus par le drame (et par la mort de nombre des leurs installés sur place) ont décidé de rendre hommage à l’île des Antilles en donnant son nom au Cours qui était en train d’être percé en plein milieu des Chartrons (son inauguration date de 1907, date d’ailleurs inscrite sur le fronton de l’immeuble qui fait angle avec le Cours Portal). Un peu comme si en 2011 on avait décidé de créer un cours Fukushima à Ginko, tout compte fait.

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Trêve de mauvais esprit, commençons notre exploration. Première impression en arrivant sur place : voitures, voitures, voitures ! Alors certes le cours ne ressemble quand même pas à la rocade un lundi matin à 8h, mais on se sent tout de suite dans une rue de Bordeaux qui a gardé une vocation automobile et où le tout bagnole des années 1980 fait office de loi. Pas tout à fait la même ambiance que les flâneries dans la rue Notre Dame pourtant juste à côté.
A propos de voitures, la boulangerie de la rue a dû voir passer la toute première. Cours de la Martinique, elle est installée depuis bien longtemps puisque son four date de 1765, sous Louis XV ! Depuis 2000 c’est Serge 1er, moissagais d’origine, qui officie au fourneau, et on peut vous le dire : son pain gascon traditionnel cuit au feu de bois est délicieux !

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Un peu plus bas, faisant angle avec la rue Notre-Dame, on remarque une imposante maison de maître surmontée de l’inscription « G. Pépin Fils Aîné Matériel Viti-Vinicole ». Voilà qui rappelle les liens étroits entre la viticulture et le quartier, avec cet établissement qui a accueilli jusqu’à 420 salariés au 19ème siècle, connu sous le nom de maison « Pépin-Gasquet », qui a été le leader français du conditionnement des vins. Quoi de plus normal de bosser dans le raisin quand on s’appelle Pépin après tout !

Le siège de la disparue maison Pépin

Le siège de la disparue maison Pépin

On continue tranquillement à descendre le cours, le long d’un alignement disparates de maisons de négoce et d’immeubles plus récents, mais petit à petit une drôle d’impression nous gagne … oui, pas de doutes, c’est de plus en plus laid et incohérent ! Aussi incroyable que cela puisse paraître, on se retrouve en quelques mètres dans un extraordinaire condensé de « ville moche » avec des immeubles délabrés, abandonnés, des façades aveugles … et tout ça en plein milieu des Chartrons, à deux pas des quais et juste en face d’un bateau de croisiéristes. Si nous n’avions pas été forcément surpris de trouver un bel échantillon de « ville chiante » aux portes de Caudéran, il faut avouer que l’on ne s’attendait pas à trouver un aussi bel échantillon de  » ville moche » en face des quais.

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40 francs l’entrée au Feeling Cosmopolite !

Sur ce moche trottoir, nous croisons Rabah, qui vit dans le quartier depuis 1990. Il nous apprend notamment que le bâtiment abandonné donnant sur les quais est l’ancienne ANPE, et a aussi accueilli une boîte de nuit, le Feeling Cosmopolite, fermée depuis plusieurs années suite à des bagarres et quelques petits trafics. Pourquoi ce site, qui doit probablement appartenir à une puissance publique, n’a depuis jamais été repris en main ? Mystère … si un promoteur immobilier nous lit, il y a peut-être un coup à faire !
Malgré cette fin de cours un peu « moche » (mais finalement le Cours de la Martinique ne peut s’en prendre qu’à lui-même, puisque c’est son percement au début du 20ème siècle qui a engendré ces façades aveugles) Rabah aime son quartier. Le cours de la Martinique est un peu trop passant peut être, mais les Chartrons c’est son village et il s’y sent comme un poisson dans l’eau.

Rabah

Rabah

D’ailleurs ce n’est pas le seul poisson du cours. En poussant un peu par hasard la porte de Nosy Be Import, que l’on croyait être un importateur de produits malgaches, on se retrouve en fait dans l’antre de Nicolas, qui fabrique des aquariums marins sur mesure depuis douze ans. L’atelier est à Beychac et Caillau, et la boutique bordelaise sert plutôt de show-room … Mais attention, on ne vous parle pas de l’aquarium qu’on trouve chez mamie, sur le napperon, avec le petit poisson rouge ramené de la fête foraine. Non non non, là il s’agit d’installations de plusieurs centaines de litres d’eau salée, avec coraux intégrés, milieu aquatique recréé etc.
C’est Nicolas qui nous accueille et nous explique tout cela. Bon il s’agit clairement d’un marché de niche (le comble pour un fabricant d’aquariums), avec deux / trois boutiques du genre en France et des clients qui sont prêts à faire des centaines de kilomètres et a consacrer pas mal d’argent à leur passion. Aucun de nous deux ne se voit installer de tels aquariums dans nos appartements respectifs, mais le discours de notre hôte nous passionne et on découvre un monde aussi captivant que les poissons multicolores qui se promènent devant nous !

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S’il est passionné et bavard quand il faut évoquer Madagascar, Nicolas est plus réservé sur le Cours de la Martinique. Même si lui ne cherche pas forcément le passage du quidam, voire même le fuit lorsqu’il s’agit d’enfants turbulents qui maltraitent les poissons, comme les autres commerçants il regrette que le cours de la Martinique soit dédié à la voiture, ne laissant que peu de place aux promeneurs éventuels. Malgré tout de nouveaux commerces s’installent et sur les bons conseils de notre fabricant d’aquariums, nous allons terminer notre visite juste à côté dans le petit bar / épicerie ouvert par Julian.

Julian c’est un panaché moitié parisien, moitié ariégeois, installé depuis peu à Bordeaux et qui en profite pour faire découvrir les bons produits de ses origines : eau de la Seine, jambon de Paris, café amer à 4€, le tout servi dans une ambiance détestable … mais non bien sûr ! Ce ne sont pas les produits de Paris mais ceux de l’Ariège que Julian a choisi de mettre en avant : pâtés, conserves, fromages, légumes cuisinés, vin rouge, vin blanc … que des produits « nature » ou bien issus d’une agriculture raisonnée, constituant ainsi un second hommage culinaire à nos voisins de Midi-Pyrénées, en face du pain moissagais. En commerçant de qualité, Julian vend même de la bière artisanale de Saint-Girons. Malheureusement il n’en reste plus qu’une au frais, que l’on complète donc d’un verre de vin cathare pour résister tant bien que mal à la température qui monte de plus en plus.

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Alors certes les voitures passent encore et encore sur le cours, certes certains immeubles collent mal à l’imagerie classique d’une ville Unesco … mais au delà de cette esthétique douteuse, au final nous avons été en bonne compagnie (créole) pour cette balade aux limites du Bordeaux « « « fréquentable » » », où le vin de négoce flirte avec des poissons tropicaux et des produits cathares. Bons baisers du Cours de la Martinique.

Rue Raymond Poincaré

Lorsque nous avons procédé au tirage au sort pour déterminer la destination de cette 47ème visite, nous n’avons pu réprimer le « hééé merdeuu » qui sert traditionnellement à exprimer ce que l’on ressent en tirant une rue de 40 mètres de long au fin fond de Caudéran.

Le hic cette fois ci, ça n’est le manque d’intérêt a priori de la rue Raymond Poincaré, mais plutôt sa localisation puisqu’il s’agit tout bonnement de la parallèle à la rue du Docteur Yersin, visitée un an plus tôt.

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Mais qu’à cela ne tienne, nous n’avons encore jamais cédé à la corruption et truqué Excel, et nous retournons donc sans sourciller vers la cité de la Benauge. Pour tout ce qui concerne l’histoire du quartier, on ne peut que vous inviter à relire notre précédent article, ou encore à consulter le travail de Tim d’Invisible Bordeaux. Et comme on sait que certains incorrigibles fainéants ne cliquent pas sur les liens, voici une vidéo historique bien complète sur la construction du quartier :

 

Voilà pour ce qui concerne le passé.

Pour le présent, et même si notre précédente visite nous avait permis de relativiser cela, on sait que la Benauge n’est pas le quartier vers lequel on irait spontanément jouer les touristes avec appareil photo en bandoulière, du fait de son image quelque peu écornée de « cité », au sens péjoratif du terme.

Premier constat : « Ça tient les murs », se disent les pleutres Vinjo et Pim qui ont grandi dans des lotissements paisibles où les murs tiennent sans l’aide de personne. Comme pour donner quelques sensations exotiques aux visiteurs que nous sommes, un ado torse nu cabre sa moto à fond les ballons et passe une fois, deux fois, trois fois, sous le regard de ses potes agglutinés devant un immeuble de la belle Cité Pinçon. Oui, belle, on peut le souligner. Ici pas de boîtes aux lettres défoncées, de tags « NIK LA POLICE » ou encore de crépi émietté, puisque l’on a une belle cité fleurie et habillée de pierres de taille, et franchement ça fait la différence !

Une rue bien vide sous la chaleur

 

Pas tout à fait une « cité » de BFM TV

 

Dans un style plus contemporain, beau aussi est le centre d’animation Bastide-Benauge qui se tient sur un côté de la rue Raymond Poincaré depuis une dizaine d’années, remplaçant des cours de tennis. Beau enfin est le sourire de Saïda, animatrice de son état, et qui nous fait une visite complète des lieux bien que nous soyons hors des créneaux d’ouverture au public. Comme dans tout centre d’animation de quartier, on y accueille enfants et ados pour diverses activités. Dans une salle au fond par exemple, une trentaine d’enfants sont en train de confectionner la déco pour la fête de la musique. Au sous-sol, on trouve un studio de musique et une salle de sports. Mais ce qui fait l’identité du centre d’animation du quartier, c’est surtout cette grande salle de danse, principal outil de développement d’un pôle d’excellence qui rayonne sur le quartier et bien au-delà. Rue Raymond Poincaré, on vient en effet de l’ensemble de l’agglomération bordelaise pour y danser, et le point d’orgue de tout cela est le festival Clair de Bastide, qui deviendra quelque chose comme « Clair des deux rives » en migrant une année sur deux vers le centre d’animation de Nansouty. Ce festival est quoiqu’il en soit un temps fort dans la vie du quartier, et il est une sorte d’aboutissement au travail de Saïda et de ses collègues, dont la mission dans ce quartier classé en ZSP (Zone de Sécurité Prioritaire) est de canaliser la fougue de la jeunesse, et de récupérer le plus possible ceux qui sont tentés de sortir du droit chemin.

La salle de danse du centre d’animation

 

Illustration réalisée par les enfants du quartier pour la fête du fleuve

 

Danse toujours, l’artiste à la moto continue son ballet dans la rue Raymond Poincaré. En dehors de ces quelques pétarades c’est très calme, la faute au soleil de plomb, conjugué au Ramadan qui ralentit surement aussi la vie du quartier.

Pour ce qui concerne le reste de la rue, on relèvera une école maternelle, mais surtout un style assez novateur de logements sociaux : de petites maisons individuelles mitoyennes, formant une résidence Aquitanis nommée « Echop’ »  en clin d’œil à cet habitat si prisé des Bordelais. Bon ça ne vaut pas l’original hein, mais ça semble tout de même pas mal !

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L’échoppe bordelaise revisitée par Aquitanis

 

En arpentant la rue Raymond Poincaré dans le sens retour, on fait un détour pour aller saluer Nicole et Robert, qui prennent l’ombre sur un banc offrant une vue imprenable sur la station-service de la Benauge. Bonne pioche, Nicole avait justement envie de faire la conversation.

L’arrière-grand-mère de Nicole était née à la Bastide : « Ici ce sont mes racines, alors j’aime toujours y venir ». Nicole se souvient même des marécages qu’il y avait à la place de la cité quand elle était enfant. Qui sait, peut-être l’aperçoit-on dans la vidéo postée plus haut ?

Nicole ne tarit pas d’éloges sur le quartier, où « on est à proximité de tout et où d’un coup de tramway on est en centre-ville ». Surtout que sa jeunesse n’a pas été des plus faciles, avec jamais moins de 10 personnes à table, 22 vaches à gérer à la ferme, et plein de responsabilités en tant qu’aînée de la fratrie. Avant de venir étudier au lycée à Bordeaux, poussée par un papa qui tenait à lui offrir une bonne éducation, Nicole vivait en Dordogne, du côté de La Roche Chalais. Pour aller faire les courses en ville, quelle que soit la météo, c’était 3 kilomètres aller et 3 kilomètres retour. Alors parfois le médecin du bourg avait pitié de la petite Nicole, et mettait son vélo dans son coffre pour la ramener, puis la libérait quelques mètres avant la ferme pour que les parents n’en sachent rien. Le reste c’est du théâtre, il suffisait de faire semblant d’être essoufflée !

Et puis y a quand même des avantages à grandir à La Roche Chalais, regardez la carte. En à peine quelques kilomètres à vélo Nicole se payait le luxe d’une balade à cheval sur trois départements : Dordogne, Gironde et Charente-Maritime. Il n’y a pas de petits plaisirs confirme Vinjo, lui dont l’enfance a été rythmée par des balades à vélo sur trois régions dans les environs de Nadaillac  (Dordogne – Aquitaine), Gignac (Lot – Midi-Pyrénées) et Estivals (Corrèze – Limousin).

Enfin tout ça pour dire qu’après avoir connu ça, Nicole apprécie le confort de la ville, et aime venir prendre l’air à la Benauge, elle qui ne vit pas dans la cité mais n’y a jamais connu le moindre pépin.

Nicole & Robert

Parler ça donne soif, et l’avantage de revenir à la Benauge c’est qu’on peut enfin tester le bar qui était fermé lors de notre précédente visite. « Vive le Portugal » s’appelle désormais L’Insomnia, et comme son nom laisse à penser il s’agit d’un bar ouvert jusqu’à tard le soir. Jonathan (prononcer Djonatanne « à l’américaine ») est le neveu du précédent gérant. A seulement 22 ans, ce carbonblannais en a eu marre des chantiers, des « patrons qui te parlent comme de la merde », et avec un peu d’aide des siens il s’est lancé dans cette aventure, occupant le marché de niche du bar de nuit sur la rive droite, ce qui permet aux gens des Hauts de Garonne de venir prendre l’apéro « sans se faire arrêter par les condés ». Maréchaussée ou pas, Jonathan pratique des prix d’appel attractifs avec la vodka-redbull à 3,50€ ou encore le mojito à 4,50€. En pleine cagne, et vu l’heure, nous resterons à la bière, d’origine portugaise tout comme l’ensemble de la clientèle ainsi que la musique. Mais attention il ne s’agit pas à proprement parler d’un bar portugais, puisque Jonathan précise bien qu’ici chacun est le bienvenu.

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Jonathan, bien réveillé derrière le comptoir de l’Insomnia

Notre SuperBock terminée, nous prenons congé de Jonathan en train de massacrer un de ses clients aux fléchettes (au sens figuré, notre jeune entrepreneur semblant au demeurant très pacifique) et retournons une dernière fois arpenter la rue Raymond Poincaré. Nicole et Robert ne regardent plus la station-service, et en bas des immeubles de la Cité Pinçon, plus personne ne tient les murs, comme si on avait compris que la pierre de taille suffisait au bon maintien des barres d’immeubles. Pas spécialement craignos cette cité finalement, où chacun semble se côtoyer et se respecter. Rue Raymond Poincaré, on arrondit les angles.

SuperBock sponsor (quasi) officiel de Bordeaux 2066

 

BONUS : la Cité de la Benauge compte 9 rues. Nous en avons déjà visité 2. Il nous reste pour l’heure 2019 rues bordelaises à parcourir. La probabilité de retourner à la Benauge est donc de 0,35% !