Ça y est, le printemps est de retour ! Entre deux averses on sent les températures remonter petit à petit, et les premières journées à la plage se rapprochent de plus en plus. A tel point que pour notre 44ème rue le sort nous emmène sur ce qui est l’un des points de la ville de Bordeaux les plus proches de l’océan, à la limite de Mérignac et d’Eysines : l’allée Balzac.
On ne vous fera pas l’insulte de revenir ici sur la vie d’Honoré de Balzac, célèbre peintre dont les toiles sont connues à travers le monde entier. Enfin bon, autant le dire tout de suite, même si l’allée que nous avons visitée n’est pas une rue infâme, on trouve quand même que le célèbre auteur n’est pas particulièrement honoré par la Ville de Bordeaux…
Aujourd’hui soyons clair, l’allée Balzac c’est un bout de rue perdu au fin fond de Caudéran, derrière le chemin de fer de ceinture. Et après avoir pédalé pendant près d’une demi-heure pour y arriver (nous sommes des cyclistes accomplis), que trouve-t-on sur place ? Une impasse courte, bordée d’un côté par une barre d’immeuble surement plus pratique qu’elle n’est esthétique (nommée tout simplement « Résidence Balzac »), et de l’autre par des petites maisons qui nous donnent déjà l’impression d’être entre la ville et la campagne, voire même, soyons fous, dans le Médoc.
On croise d’ailleurs Pierre-Louis, en plein jardinage. Il nous confirme nos premières impressions. Ce quartier lui plait, il s’y sent au calme et il est proche de la plage … peut-être même plus proche de la plage que du centre de Bordeaux ! Et cela se ressent aussi lorsqu’il faut refaire un trottoir, demander le nettoyage d’une rue : l’allée Balzac est rarement la première servie. La feuille d’imposition est quant à elle bien bordelaise, mais ne crions pas à l’injustice trop vite car le tourbillon des projets urbains de la métropole va bientôt arriver jusqu’ici.
En effet, au bout de l’allée nous faisons face à une grille. Et derrière cette grille se trouve une vaste friche. C’est le site que l’on appelle maintenant « l’îlot Carton Tassigny », et qui s’étend sur plusieurs hectares, et dont une partie longe notre allée. Concrètement on y trouve un grand hangar recouvert de graffitis, des parkings envahis par les herbes folles, et un peu plus loin derrière une série d’Algeco qui sont encore en fonction et accueillent une partie des locaux du Cerema : le Centre d’études sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, qui très schématiquement héberge des fonctionnaires de l’équipement qui réfléchissent à nos routes et à nos transports de demain.
Sur place, et derrière les grilles que nous n’avons osé franchir, difficile de savoir quel fut le passé de l’imposant hangar qui nous fait face. On y remarque néanmoins ce qui ressemble à une fosse à vidange, laissant imaginer un dépôt de bus abandonné, mais nous n’avons pas d’autres indices… Pierre-Louis nous signale néanmoins que dans un passé encore récent, ce hangar servait de stockage aux décors du Grand Théâtre. L’envers du décor de carte postale de la Place de la Comédie a donc longtemps été ici, sous le regard de l’allée Balzac, bien loin des lumières des Diderot, Voltaire et Montesquieu se pavanant dans le Triangle d’Or.
On ne vous apprendra pas qu’un décor de théâtre ne se vidange pas, et ce sont des recherches sur Internet qui nous donneront le fin mot sur la vocation initiale du hangar abandonné qui nous fait face. Nous sommes ici le long de la longue Avenue du Maréchal Delattre de Tassigny, i.e. la route de Saint-Médard, qui à l’instar de nombreuses autres routes pénétrant dans Bordeaux était autrefois dotée d’un tramway. Ceux qui ont connu les anciens tramways, puis les bus CGFTE les ayant remplacés, savent qu’ils étaient désignés par les initiales de leur destination. Ici c’était donc la ligne SM qui circulait et rejoignait parfois l’atelier pour se faire fouetter les boulons et torturer les bogies sous l’œil complice de l’allée Balzac… reste aujourd’hui une friche urbaine égayée par une publicité pour le salon de l’érotisme. Ce blog ayant une audience familiale, nous vous laissons trouver d’autres jeux de mots douteux par vous mêmes.
Aujourd’hui la Ville a d’autres projets pour l’îlot Carton-Tassigny qui devrait bientôt accueillir des logements, une crèche, une école… comme la Mairie nous l’explique dans ce livret de concertation.
Un nouveau projet urbain en entrée de ville pour redonner de l’allant à cet angle mort de la commune ? N’exagérons rien … non pas que nous doutions du futur aménagement (ça, seul le temps nous le dira), mais c’est surtout que même si le futur projet fonctionne, il viendra simplement compléter un quartier déjà bien vivant. Alors, oui on se sent loin du centre de Bordeaux, des Mauriac, Montaigne, Montesquieu et du patrimoine mondial de l’Unesco, mais à deux pas de l’allée Balzac tous les commerces nécessaires à la vie quotidienne sont là. Dans un périmètre d’une centaine de mètres on trouve un supermarché (le centre commercial du Caillou, doté d’un MA-GNI-FIQUE caillou en guise décoration), une station essence, une laverie, un coiffeur, des restaurants (de la pizzeria au chef étoilé en passant par la cuisine asiatique) et même un petit bar / brasserie sur lequel nous jetons notre dévolu !
Malheureusement, le Tassigny est fermé en ce samedi après-midi. Nous choisissons donc de revenir au Caillou un midi de semaine, pour venir déguster la carbonnade flamande préparée par Simon le cuistot. Employé des lieux depuis 7 ans, Simon en est devenu le patron il y a quelques mois, et assure maintenant le service quotidien avec l’aide de la souriante Caroline en salle. La clientèle est variée : quelques employés du coin, les ouvriers des chantiers environnants, des retraités, des habitants du quartier etc. Tout le monde se retrouve pour profiter d’un menu simple mais bon, au prix modéré … Si vous passez dans le quartier, où même lors des premiers bouchons d’été pour la plage, n’hésitez pas à vous y arrêter ! Pour les amateurs de blues et de jazz, c’est le premier jeudi du mois que ça se passe, avec le Tassigny qui se transforme en salle de concert !
Nous, en repartant sur nos vélos, et le long de l’ancien SM on repense à l’ami Honoré de Balzac, lui qui écrivit dans la Comédie Humaine : « Le hasard est le plus grand romancier du monde : pour être fécond il n’y a qu’à l’étudier ». Soyons clair, on ne joue pas dans la même cour qu’Honoré, mais quand même, on se dit qu’il n’a pas forcément tort … le hasard du tirage au sort nous mène souvent dans des rues, des allées ou des places où jamais nous n’aurions mis les pieds. On n’en tire pas de grand roman, mais en les étudiant un peu, toujours de quoi écrire un petit billet !